D'abord il faut que je vous dise que je n'avais
pas trop le goût à pécher aujourd'hui, un peu souffrant, puis Toytoy
en passant à la maison arrive à me persuader, celle là je peux dire
que je lui la dois bien...
Nous nous trouvons donc 1/2 heure plus tard sur
le parking de Pont de Labeaume comme d'habitude. Une petite bruine
fine nous laisse plein d'espoir. Pas de gobage à première vue, c'est
pas grave car la veille l'activité n'a eu lieu qu'à partir de 15h,
et puis nous sommes sûrs de ne pas être en retard car Jean Pierre
que j'ai eu au téléphone y a pas 10 minutes se trouve un peu plus
haut vers Thueyts et n'a pas encore touché un poisson et quand Jean
Pierre ne touche rien...
Ho! un petit rond juste au fond du pool de la
plage. Calmez vous c'est pas encore là. 3ème passage je pique une
quiole qui se décroche pendant ce temps, Toytoy est passé devant
(comme d'hab...pas vrai Fly84 ! ) Je le rejoins un peu plus
tard affairé sur les chevesnes ! pourtant l'émergence
a bel et bien attaqué, les March Brown et les Baetis défilent maintenant
en rangs serrés. Toytoy manque 4 truites l'une après l'autre, les
rhumatismes sans doute !
Pendant ce temps je lui fausse compagnie et monte
sur la veine de la "Truite Enchantée". Les gros éphémères
défilent les uns derrière les autres et pas un seul gobage. Peut-être
sont elles à table « dessous » ? Tant pis, c'est pas trop
mon truc je décide de rester « dessus ».
Je commence à m'impatienter car ça ne va pas
durer toute la journée et je sens que je suis en train de passer
à coté de la pêche.
Machinalement je lève la tête et jette un oeil
vers le trou de la confluence. Pour ceux qui connaissent, de cette
position j'ai les yeux pile à la hauteur trou. De là il me semble
bien que ça gobe en plein milieu. Échaudé par la prise de la veille,
je décide de monter voir de plus près si par hasard elle n'était
pas en train de remettre ça ? J'hésite encore car je sais que la
veine que je laisse est particulièrement favorable. Un autre rond
au dessus toujours en pleine eau, cette fois j'y vais!
Plus je m'approche et plus j'ai le sentiment
que le poisson qui est à table au milieu est de taille exceptionnelle.
Il n'est pas seul ! Deux autres poissons gobent autour. A 15 pas,
le doute n'est plus permis, le gobage aval, le plus près de moi,
est véritablement exceptionnel. J'ai le temps de l'identifier à
deux reprises avant de poser, un gros remous comme font parfois
les très gros chevesnes, à la différence que là le poisson n'aspire
pas mais prend distinctement les grosses printanières avec la gueule
hors de l'eau. ! Là je dois refaire mon noeud, voir même passer
un diamètre en dessus car manifestement elle n'est pas trop sélective,
mais lequel d'entre nous pourrait attendre ? Il ne faut pas que
je pose trop haut au risque d'accrocher le poisson d'en dessus qui
me parait beaucoup plus petit, à moins que je ne me sois trompé
et que ce soit la mémère à Toytoy ? Mais pour moi, la totoche à
Toytoy elle est là et bien là juste devant moi en train de
se gaver et ça ne va pas durer, faut poser maintenant avant qu'elle
ne se cale pour une saison de plus !
Maintenant je ne suis plus qu'à 10 pas derrière
elle et c'est parti, je pose la mouche à 50 cm devant son nez, que
dis-je 50 cm, 5 m...5 km ! Trois secondes de dérive qui me parait
une éternité, vous savez ce moment où vous êtes pile poil sur la
tête et rien ne se passe où vous commencez à douter grave et vous
vous dites...tain j'ai merdé ! Et puis d'un coup cette gueule blanche
qui perce la surface engloutissant mon artificielle fraîchement
montée du matin et qui fait passer ma Gloire de Romégier grosse
comme la moitié du pouce pour une vulgaire imitation de Caénis.
BOUM dans la poitrine, cardiaque s'abstenir
!
Du bonheur? Je sais même pas si c'est du
bonheur, pas le temps d'apprécier, trop bref, trop intense. Il faudrait
fermer les yeux et ne plus jamais les réouvrir pour ne garder que
cet instant magique.
Ouais, mais c'est pas le moment de fermer
les yeux car pendant ce temps Totoche m'a pris les 5m de soie que
j'avais aux pieds et me voila sur le frein...de mon fidèle Viva
s'il vous plait ! Heureusement que le trou n'est pas plus grand.
Elle reste calée au fond en mettant de grands coups de tête et je
la sens se tordre dans tous les sens. Grand moment de frustration
car c'est souvent là que se termine la bagarre sans que l'on n'ait
pu l'apercevoir. La sentant bien attelée je siffle Toytoy et à le
voir s'activer je sais qu'il a compris ce qui est en train de se
passer. Juste au moment où il me rejoint, l'animal nous gratifie
de deux chandelles magistrales. Ca y est maintenant on l'aperçoit
sans problème et les dimensions commencent à fuser.
"55! 60!...plus que ça!"
Toytoy a sorti le panier numérique et mitraille.
Au bout d'une bonne dizaine de photos alors qu'elle essaie toujours
de sonder entre deux eaux et que l'on n'a toujours pas pu l'évaluer
correctement le voila t'y pas qui me crie "...tain j'ai plus
de piles !"
"Arrête!" je lui réponds "gardes
en une..." Oh! L’angoisse.................
A longueur d'année on prend des CD entiers de
photos de quioles et là plus de piles pour immortaliser la truite
d'une vie. (Si tu m'avais fait ce coup là tu partais a l'eau toi,
ton appareil et Totoche en prime )
Bref, après un bonne dizaine de minutes de patience,
et croyez moi dix minutes c'est très très long quand vous êtes attelé
à ce truc qui attend le moment de vous jouer la fille de l'air au
détours d'une arête de rocher.
La suite vous la connaissez. Elle est repartie
en bonne forme et se trouve toujours dans ce trou. Je souhaite qu'elle
fasse le bonheur de bon nombre d'autres pécheurs.
En conclusion je remercie Saint Pierre pour sa
générosité car prendre un des plus beaux poissons de sa carrière
de moucheur un premier avril....c'est quand même pas banal !
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