Bonheur sur
l'onde
*Sans attendre que les étoiles percent les mystères de la nuit, je me glisse dans le rythme vertigineux d’un bruit incessant pour me noyer dans les intentions artistiques les plus profondes. Un flot de sensations inonde mon cœur dans une image neuve de l’art naturel, mêlant les reflets à d’ininterrompus complots au calme des plantes. La couleur bleue du bleu du ciel coiffe la rêverie que j’espérai, les oiseaux s’aiment dans ce déluge de senteurs violentes et douces, puis la rivière s’engourdit par l’odeur dans un sommeil glissant. *Avec une allure tranquille, j’avance dans le rideau éphémère du temps transparent pour entrevoir le torrent faisant son lit au milieu de roches et taillis. *Une eau claire et confidente s’avance pour unir conversation avec moi, des ballets de lumière dansent sur l’instant insaisissable, le mariage du ciel et de la terre ruisselle avec fluidité pour se fondre comme un sucre dans cette coupe de diamant. *Le rivage baigne dans l’onde, ce n’est qu’une illusion d’optique, je crois apercevoir une truite dans les feuillages et le silence qu’elle écrit plonge l’oubli dans le charme. Pas un crachin de brume, pas une chevelure ne s’échappe des mains du temps, tient un écureuil se remplit la corbeille, une bergeronnette berce mes oreilles, comme une friandise une ardeur fond les ombres brulées par la chaleur. * Une frêle houle sourde et jaillissante casse le verre d’où coule une flottille de vaisseaux pris par la dernière marée de vent. Des mots se mettent à briller dans mes yeux et éveillent mon énergie de voir, je tresse patience, je brode persévérance pour dessiner une attente heureuse dorlotée par le chant de l’eau. *Dans les nymphées de reflets, des plis se forment sous la face du ciel qui imprime sa beauté, quelques espaces circulent et me bercent dans la gaieté de l’eau remplis de causeries. Des nuances vivantes, des tapis de brillances, des miroirs de luisances ébranlent et noient mon regard. La rivière déguste les cercles qui s’élargissent à l’infini dans un rythme lent et inépuisable, mon admiration saute dans mon enfance ou je dévorais longuement des yeux mes cailloux venant de plonger. La vérité me repêche en remontant à la surface pour essayer d’émerger d’une profonde navigation rêveuse. Devant cette étendue d’émeraudes, ce vrai chef-d’œuvre naturel me porte à croire que mon envoûtement bercera ma domination. Le lit, dans son espace, me remet de cette tension, me plonge dans une distorsion de sons tout en me léchant les pieds comme pris d’amour. *A l’écho de cette gorge témoin de mon bonheur, l’œil fixé à l’autre berge laisse venir la fraîcheur au fil de l’eau et quelques rochers percent la pellicule pour mieux danser sur l’éclat d’une renaissance perpétuelle. Les flots limpides roulent sous un grenier de fourmis admirant le miroir à en loucher et le velours glisse dans le calme en demandant à être encore éveillé. *Dans la paresseuse et sinueuse clarté de l’eau, je suis ébloui par une poitrine rocheuse à l’effet soyeux ou s’engouffre une bande d’écumes à en faire baver une minuscule bordure de sable fin. La chute lisse une langue pure et vient lécher l’entourage d’un contre-courant dont la jupe de dentelle protège un ballot d’or. *Mon attention s’invite au chevet du lit pour mieux contempler la créature voilant légèrement son corps fuselé, j’en reste couché car la belle prise de gourmandise joue avec quelques cerises sur ce gâteau débordant de chantilly.
Elle revient pour se coller à mes yeux, ma vue s’ouvre comme une boite à bijoux, elle s’ondule en regardant le cours d’eau qui descend, je fais le tapis pour contenir sa confiance, sa bouche baille entre deux reflets, m’a t’elle aperçut par ce soleil rasant, puis des ailes viennent troubler notre chambrée. *Je lie quelques chuchotements avec cet intrus, le partage devient troublant, sa colère se manifeste de quelques sauts pour m’impressionner. Notre conquête ne se préoccupe pas de notre combat, je tends la main comme en amitié, il se pose sur une herbe suspendue et je le déshabille des yeux. L’olive passe sur la table et dans une adresse surprenante la flèche dorée jaillit pour faire disparaître à jamais ce trublion. * Ma patience prend de l’assurance et commence à s’enflammer dans mes veines, l’instant magique forge une excitation par un jeu aimant, mes mouches deviennent jalouses d’un lorgnon hésitant, l’hameçon en pique une crise à en graisser son âme. *La mignonne cultive toujours sa rose à coup de baisers soyeux et vifs tout en s’allongeant sereinement dans une limpidité exceptionnelle. *La soie délivre toute sa douceur dans les anneaux et la canne s’agite avec fierté. La précision d’un poser reste accrochée dans la délicate révérence de branchages décoiffés, enfin la mouche avec légèreté se pose au filet de l’eau renversée. *Tout à coup, par réflex, je forge mon fer et je tends mon bras au vertige pur de ce mariage avec la rivière, la soie bande, l’eau voisine trouble sa paresse, le bas de ligne s’évapore, la branche se mêle au discours, la puissance tourne dans l’arène, la pellicule se perce, le moulinet se vide en chantant. Le ventre est aux papillons, le cœur s’accélère, le gilet déborde de sudation et d’un coup de queue la truite tire son épingle du jeu. La bouche ouverte, je tremble comme une bouée au milieu de l’océan et la corne de brume éveille mon attention à la dure réalité. * Que c’est beau la liberté, j’accompagne ma belle d’un regard admiratif, la main perdue au filet de la raquette, je suis là parlant au scion qui se jette aux feuilles pour écrire des mots. * Les bulles éclatent de joie sur la bordure dallée de galets riant aux derniers éclats foncés d’orangés d’un soleil accusant une extrême fatigue. *L’obscurité
gagne du terrain sur le sentier du retour, la fièvre retrouve le calme
et me délivre de ce flot merveilleux qui s’éloigne tout en regardant
le lendemain dans les sphères commençant à s’étoiler.
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