Victor
Borlandelli
Les
pêcheurs de Calmeau
CALMEAU c'est MORTEAU Petite ville du Haut Doubs plus connue par sa saucisse
que renommée par les performance de ses halieutes.
Le livre, c'est la vie d'une société de pêche vue au travers des
"aventures" de quelques locaux au fil des mois de janvier à août et
racontée par Berthaud (l'auteur)Les chapitres ont pour titre:"l'assemblée
générale" "veillée d'armes" "l'ouverture" "les
mordus" etc....dans le rôle des pécheurs: outre Berthaud, leTondu, Chopin,
Houdeport et au final "le Parisien " pour une leçon mémorable de pêche
à la mouche.
Certains de ces chapitres ont paru sous forme de "nouvelles" dans
feu "Toute la Pêche"
L'auteur
Mon Avis
Sans égaler l'humour ni la truculence de René Fallet dans "Les pieds
dans l'eau" ni le style et la finesse de J.D. Voelker dans "Itinéraire
d'un pêcheur à la mouche", V. Borlandelli a cependant pondu un
ouvrage qui sent bon le terroir Franc comtois, et si bien pris sur le
vif qu'on s'y croirait....au point de se geler et de se sentir trempé
en compagnie des trois copains et du "Parisien" au bord du Doubs quand
"ça caille" et qu'il pleut sur Morte eau, ou plutôt Morteau...non....
Calme eau, ou plutôt Calmeau... Un plaisant divertissement...et un morceau
d'anthologie:
"la mémère
de 10 livres"!!
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Extraits:
Il pêche à quoi, ton parisien?
- A la mouche.
- A la mouche?
- Oui, à la mouche. Ça te défrise?
- J'en ai rien à foutre, moi. C'est un fort?
Le sourire et la moue que fit Berthaud en hochant la tête étaient plus explicites
que toutes les phrases.
-Tu l'as déjà vu pêcher?
- Non. Mais à dêfaut je l'ai entendu me parler de pêche. C'est bien un parisien
qui croit qu'il n'y a qu'à! T'as déjà vu un parisien au bord de l'eau avec une
canne à mouche dans les mains ce que ça donne? Et j'te fais des patates. Et
j't'accroche une branche. Et j'te casse. Et j'te fais le bordel... Je crois
que je vais drôlement rigoler.
Chopin saisit la balle au bond.- Ça, j'en suis sûr aussi que tu vas te marrer.
C'est tous les mêmes ces parisiens. Forts en gueule, ça, ils le sont. A les
écouter avec leurs grands mots qui ne veulent rien dire, il n'y a qu'eux qui
savent. Mais au pied du mur, au bord de l'eau, plutôt, c'est une autre paire
de manches. J'en ai encore eu la preuve l'année dernière, pendant les congés.
Y en a un, au « Quarante Cinq» qui vient près de moi alors que je décrochais
une truite et qui me demande si je pêche up stream ou down stream - Chopin traduisait
phonétiquement. Moi, je pêche au ver, que je lui réponds. C'est quoi, vos trucs?..
Berthaud la connaissait pour l'avoir entendue quatre ou cinq fois depuis son
retour à Calmeau, racontée chaque fois différemment mais pourtant authentique
à la base. Et puisque dans le fond il n'était pas réellement pressé de prendre
la route, il laisse Chopin la raconter une nouvelle fois, ce qui prit à celui-ci
une demi-heure en raison de son amour du détail, de la mimique, des répêtitions
et des commentaires qui, souvent, n'avaient aucun rapport avec l'histoire elle-même.
Chopin s'était déjà branché sur celle du parisien auquel Dola avait vendu des
chevesnes en fait d'ombres, lorsque la voix de violoncelle mal accordée de sa
femme l'appela du haut de l'escalier...........................................
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Le vendredi matin, Berthaud recevait déjà une réponse à sa lettre:
« Mon vieux Berthaud, disait Delanive. Le plus sûr avantage que j'aie eu
sur le Doubs c'est certainement d'avoir regagné mon lit avant lui. Et pourtant,
ça n'a pas été sans mal, vous pouvez m'en croire ! C'est loin Paris de Calmeau
quand il faut faire le voyage debout et s'envoyer une heure de retard par dessus
le marché.. . Mais les pêcheurs sont ainsi faits qu'ils vivent d'espoir et d'eau
fraîche (c'est le cas de le dire!) et qu'ils possèdent cette faculté assez rare
d'oublier instantanément leurs déconvenues (décomposez voir un peu le mot «
déconvenue») pour ne laisser subsister dans leur mémoire que le meilleur: l'accueil
chaleureux d'un bon copain, les randonnées en Cadillac, un lever de soleil avec
une rivière qui fume, une fondue, etc... Bref, les voilà prêts à sauter dans
le premier train pour peu qu'on leur agite une truitelle sous le nez... Pourquoi
ferais-je exception à la règle? Parce que je suis un être exceptionnel? C'est
vrai, mais il m'arrive d'avoir quelques petites faiblesses en commun avec le
reste des mortels. Il y a donc de fortes chances pour que vous dépensiez encore
de l'essence à seule fin d' avoir l'honneur de me porter ma valise sur le quai
de Frasnes et d'admirer mes techniques de pêche en finesse qui n'ont pas fini
de vous épater. Si... si... avouez.le ça reste entre nous !
Un détail cependant. Je ne pourrai vous favoriser de ma présence avant un certain
temps car, sur l'exigence de ma famille, je viens d'entamer un traitement psychiatrique
de longue haleine qui doit, paraît-il, me guérir d'une maladie assez rare dont
je suis atteint depuis mon retour et qui se nomme curieusement la « Berthelose
»... J'ai dû attraper ça au bureau et les médecins prétendent que si les crises
se rapprochent trop je risque d'y laisser ma peau. Je ne vous décrirai pas les
symptômes car ce serait trop long, mais les accès me laissent sur le flanc,
ce qui inquiète mon entourage et l'incite à me faire soigner énergiquement.
La cure est simple: Je m'étends sur un divan et un magnétophone me repète pendant
une demi-heure des mots étrangers que je n'ai pas été capable de déchiffrer
encore. Peut-être y parviendrez vous, vous qui parlez le swahili, le sanscrit,
le volapük. et le javanais...Voilà: « Yanapu... Tenprendrappa... Tékunkon
(2fois)... Talapoiss (30 fois)... Tékunkonkalapoiss...
Etrange, n'est-ce pas? Je ne cherche pas à comprendre car tout ce que je demande
c'est d'être guéri le plus vite possible afin de venir vous voir en pleine forme!
Inutile de vous dire, je pense, que je ne crois pas un traître mot de votre
soit-disant hécatombe le lendemain de mon départ... Ce que je crois volontiers,
par contre, c'est le jugement de votre mère qui a l'avantage de bien vous connaître
et sait, mieux que personne, la pauvre femme, de quelles turpitudes son fils
est capable. Je la plains sincèrement de n'être pas mieux lotie dans sa progéniture...
Enfin...Perdons pas not' temps !..
Possible que le colonel Bigeard vous ait offert le chapeau de brousse dont vous
me fîtes si généreusement don (ma femme a cru que c'était une serpillère pour
laver le sol !) mais savez-vous que la casquette, elle m'a été donnée par le
Général Bugeaud en personne? Ça ne vous dit rien « La casquette du père Bugeaud
.. ? Dommage que la nature vous ait doté d'une tête anormalement grosse car
je suis persuadé qu'avec ce couvre-chef vous auriez vraiment eu l'air d'un pêcheur...
Plutôt que de la laisser moisir au grenier, mettez-là donc de côté et rapportez-la
moi lorsque vous viendrez à Paris car je ne voudrais pas vous infliger la corvée
de faire un paquet et de dépenser une grande partie de votre argent de poche
en frais postaux......................... .........................
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