Un coq andalou "père" de toutes nos mouches?

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A l'origine le coq et la poule domestique vivaient à l'état sauvage au centre et au sud de l'Inde et sur un vaste territoire comprenant l'Himalaya, la Birmanie, Ceylan, Sumatra et Java. Il existe encore de nos jours quatre espèces sylvestres. Les gallinacés que nous connaissons sont issus de l'espèce "Gallus gallus" et "Gallus bankiva". Ils arrivent très tôt en Europe, apportées en Espagne par les commerçants phéniciens. Mais ils tarderont à véritablement s'imposer dans nos basse-cours.

Pour nourrir des poules, il faut des céréales, longtemps les Européens leur préfèreront les canards et surtout les oies qui "broutent" comme des bovins. Les coqs et poules sont chers et réservés aux très grandes occasions, même pour la noblesse et la haute bourgeoisie. Les descriptions de petits-déjeuner ou Roi et seigneurs ingurgitent des poulets par dizaines avaient deux fonctions, exalter la virilité, la santé et la force d'une part et de l'autre étaler leur richesse. L'essor de leur élevage dépendra de l’augmentation des rendements agricoles qui permettra de baisser les prix des céréales, puis plus tard de l'arrivée du maïs des Amériques. Lorsque en sus, à force de sélection, l'homme augmentera significativement la période de ponte, nos "Gallus gallus" seront incontournables dans nos poulaillers.

Curieusement la croyance populaire attribuera des vertus aphrodisiaques aux œufs car ils contiennent la totalité d'un être vivant. Les œufs seront longtemps réservés aux hommes de la maison. Pour la même raison l'œuf sera interdit de consommation pendant le carême. Malheureusement les dates du jeûne coïncident avec la période optimum de la ponte. Les œufs s'accumuleront pendant quarante jours, si vous avez seulement dix bonnes pondeuses, calculez! Le carême terminé les familles seront obligées de recourir à des tas de subterfuges pour faire accepter à leur progéniture des œufs à tous les repas, d'où les cloches de Pâques, la recherche des œufs dans les jardins, leur décoration, l'omelette pascale, la chandeleur etc…

En Angleterre , l'interdiction des combats de coqs laissa nos moucheurs britanniques dans l'embarras. Souvent, les monteurs occasionnels de retour de leurs parties de pêche s'arrêtaient pour visiter les fermes rencontrées sur leur chemin. Moyennant quelques truites, ils demandaient l’autorisation de plumer le roi de la basse-cour. Mais les coqs de combat disparus, la gamme de couleurs s'était considérablement appauvrie. En ce début du XXe siècle nous étions en plein essor de la mouche sèche, les hameçons plus forts que ceux que nous connaissons aujourd'hui requéraient des plumes aux fibres raides et solides pour pouvoir flotter. Les boutiques de pêche face à une clientèle de connaisseurs aisés et chaque jour plus exigeants, nécessitaient un choix de mouches diversifié et de qualité irréprochable. Les monteurs qui vendaient leurs mouches exigeaient des fermiers l'exclusivité des plumes qu'ils échangeaient contre monnaie sonnante et trébuchante, ce qui irritait nos amateurs fabriquant leurs propres mouches. Des articles et lettres de lecteurs datant de cette époque soulèvent régulièrement ce problème.
James Ogden dans son livre “Fly Tying” (1879) explique, que dans son enfance, il suffisait de frapper à n’importe quelle porte de grange pour trouver la couleur de coq désirée, alors qu'à l'époque , devenu adulte,quand il rédige son livre, même après des mille et des mille le moucheur n’était jamais sûr de trouver les plumes appropriées. Au pays inventeur du libéralisme économique, un produit disparaissait au moment de sa demande optimum.

Pendant ce temps en Autriche, Johann Gregor Mendel, moine et botaniste (1822-1884) découvre ce que nous appellons encore aujourd’hui les Lois de Mendel. Père de la génétique moderne, il décrit le rôle des gènes qui assurent la transmission de caractéristiques des ancêtres à leurs descendants.

En 1900, Correus, Tcherman et de Vries mettent en lumière la fonction des chromosomes porteur de l’hérédité.

Le Dr.William Baigent (1864-1935) de Northallerton, passionné de génétique, attentif à la moindre découverte, se lance dans l'élevage de coq de pêche, en croisant le "Bleu d'Andalousie" et les derniers coqs de combat du sol britannique.

 

                                                                                                                       Coq race “Azul d’Andalucia”.(bleu d'Andalousie)

                                                                                         

Il rend compte des résultats de ses travaux dans la Fishing Gazette et commence la rédaction d'un manuscrit qu'il n'aura jamais l'occasion de terminer. Pendant la guerre de 14-18, un groupe d'amis publiera ces travaux mais le nombre de copies restera très confidentiel. Il est étrange que l'Angleterre, à la pointe de la pêche à la mouche, n'ait pas réussit à produire une race de coqs emblématiques comme le Limousin ou le León


   Les coqs du León

 

La première mention des coqs du León et de leurs plumes exceptionnelles pour leurrer les truites nous la devons à l'incontournable Juan de Bergara et son manuscrit d'Astorga (1624). La palette de couleurs différentes pour chaque montage révèle une origine bien plus ancienne. On ne peut obtenir toutes ces couleurs aussi précises et si bien définies sans une sélection sur plusieurs dizaines d'années. Deux espèces, les Indios et les Pardos ont été obtenues suite à une patiente sélection des meilleurs individus. L'indio est gris et ressemble beaucoup au coq du Limousin et le pardo est marron (pardo = brun : osso pardo = ours brun) mais se décline aussi du gris foncé au marron très clair.Le coq du Léon possède une pigmentation des plumes qui donne ce semblant de vie et facine le pêcheur avant de séduire les truites.

La récolte des plumes commence dès le neuvième mois de l’animal et se termine autour de son cinquième anniversaire, au delà, la qualité des plumes est en régression constante. Les plumes sont arrachées une à une sur l'animal vivant et vendues en mazos (bouquets). Que les âmes sensibles se rassurent, l'éleveur a tout intérêt à procéder avec la plus grande délicatesse car de cette plumaison dépendra la qualité des prochaines plumes. Traditionnellement elle a lieu lorsque la lune est à son dernier quartier pour assurer une repousse rapide et en bonnes conditions.La plumaison des reins se fait chaque trimestre, chaque semestre pour le col et le dos , et une fois par an pour le cou. La partie plumée est enduite d'un mélange d'huile d'olive (nous sommes en Espagne) et de cendre, ceci pour les traditionalistes car beaucoup d'éleveurs préfèrent une pommade cicatrisante à base de cortisone, tout se perd. Leur nourriture est naturelle avec un apport vitaminique important qui renforce la plume et augmente son brillant. Ils sont en semi-liberté pour profiter de la radioactivité du terrain, accompagnés d'un harem de poules. Le sacrifice de leurs plumes vaut bien cela, aucun autre coq d'élevage ne peut espérer avoir une aussi belle vie. Sur deux cent cinquante oeufs, l’éleveur Tomàs Gil peut espérer vingt-cinq coqs dont les plumes seront commercialisées.

 

Les pardos

   

        Coq pardo flor de escoba (fleur de genêt)“ encendido” .

. Ce sont surtout, les lancettes des flancs, les pelles du dos ou de cape et les pelles des ailes qui sont utilisées. Les hackles (camail), à de très rares exceptions, ne présentent aucun intérêt. La poule ne possède aucune plume intéressante pour les moucheurs, en revanche la couleur de son plumage et la teneur de ses plumes sont très importantes pour assurer une bonne lignée de coq.

La pigmentation du plumage de ce coq fait couler beaucoup d'encre et échafauder de nombreuses hypothèses: Il est un lieu unique où les coq pardo du Leon possèdent ce piquetage de la plume très catéristique,exceptionnelle pigmentation qu'ils perdent automatiquement lorsqu’ils sont élevés loin de leur terre d’élection......... Ce chauvinisme se limite exclusivement à une région léonnaise bénie des dieux qui produit des coqs de pêche depuis plus de 600 ans ,située dans un triangle formé par les micro régions de Campohermoso, La Càndana et Sopeño et les deux villages de La Vecilla et Valdepielago. Le tout est arrosé par la merveilleuse rivière à truites, el Rio Curueño. C’est la « vallée de la plume », toute tentative d'élevage même à proximité de ce fameux triangle s’est soldée par un échec. Une acidité du sol importante, une altitude de plus de mille mètres, un été terriblement chaud et des hivers terriblement froids ont souvent été cités comme autant de raisons d'un particularisme géographique influant sur les coloris des coqs. Sans oublier un taux de radioactivité supérieur à la normale qui vient ajouter une touche scientifique à toutes ses explications empiriques. "La radioactivité influe sur les glandes surrénales et entraîne une accélération de la production de kératine, substance qui donne sa pigmentation à la plume".
Toutes ces spécificités léonnaises, radioactivité des sols comprise, existent aussi dans le Limousin. Gil Tomás y Covadonga, l’un de deux éleveurs les plus importants du León, explique qu’il y a une vingtaine d’années, il avait commencé un premier élevage à sept kilomètres de La Candana, exactement dans le village de Santa Coloma de Curueño. A la deuxième plumaison tout ses coqs perdirent la pigmentation de leurs plumes. Un autre éleveur, Joaquim Diaz racontait à Pêche Magazine qu’il avait voulu augmenter la superficie de son élevage et malheureusement les coqs éloignés à trois cent mètres de son élevage perdirent rapidement la qualité de leur plumage.Les Etats-Unis, passés maître es-sélections de coqs de pêche, auraient essayé plusieurs implantations sur leur sol, choisissant des régions aux particularités minérales et climatiques semblables. Expériences sans lendemain, faute de résultats probants. Alors, si même les Américains ont échoué….!!!

 

La Plumaison traditionnelle le coq maintenu par les jambes et ailes écartées.Elevage Gil Tomas y Covadonga

 

En revanche, nous nous devons de citer les travaux de Fernando Orosco chercheur à l’Inia. Dans son livre "Razas de Gallinas españolas" (Races de poules espagnoles), il assure que les plumes issues d'élevages éloignés du triangle du León et hors de cette région, présentaient les mêmes qualités que celles purement léonnaises. Pour l’œil du scientifique peut être, mais les a t'il expertisées avec l'œil de truite d'un pêcheur à la mouche? Le fait est qu'il n'y a pas d'élevage de coq au Léon en dehors des 3 kilomètres carrés aur tour de la Candana
Les combats incessants entre mâles sont la première cause de mortalité. Un caractère particulièrement belliqueux et dominateur ajouté à des ergots pouvant mesurer dix centimètres n’incitent pas à la convivialité pacifique. Très souvent chez les animaux, l’agressivité et le flamboyant des couleurs vont de pair. Il faut compter aussi avec une certaine fragilité des coqs à force de consanguinité et savoir qu’un coq malade, blessé, dépressif, perd automatiquement la qualité de ses plumes. Vous comprendrez que les vocations d’éleveurs sont de plus en plus rares. Espérons que notre monde moderne ne verra pas la fin d’une tradition pratiquement immuable depuis plus de quatre siècles.
Les coqs Pardos sont très plumeux, mais ils ont la poitrine étriquée et ne dépassent pas les 2,5 kilos, la poule pond des œufs de petites tailles et de façon très irrégulière. Pour l'agroalimentaire ils ne représentent aucun intérêt et sans la bourse déliée des pêcheurs ils seraient condamnés à disparaître rapidement.
Les pardos se déclinent en plusieurs coloris: corzuno (gris très pigmenté), corzuno rojizo (roux très pigmenté), corzuno oscuro (gris sombre très pigmenté), corzuno claro (gris peu pigmenté), aconchado (couleur coquille st. Jacques), sarrioso (gris-beige pointillé), flor de escoba (fleur de genet), pardo rubión (fauve) et langareto (zebrée gris sur fond crème) une “couleur” qui avait disparu et très difficile à obtenir.

Les Indios


Chanteclair, chez les Indios. Elevage Gil Tomas y Covadonga.)

Contrairement au coq Pardo, nous connaissons ses origines, issues elles aussi de la race bleue d'Andalousie, espèce pratiquement disparue aujourd'hui, et peut être croisée un temps avec le "Negro de Castille". . Comme le coq du Limousin cette espèce n'est pas fixée et ne peut être considérée comme une race. Le gris obtenu est fruit d'un mélange de blanc et de noir. Pour cette raison, les couvées ne produisent pas que des animaux gris mais des gris, des blancs et des noirs. Aujourd'hui les Indios se déclinent dans tous les coloris de gris foncé à blanc en passant par toutes les teintes du marron. Indio: acerado (acier), acerado claro (acier clair), acerado oscuro (acier sombre), plomizo (plomb), plateado (argenté), sarnoso (mité), rubión (rougeatre), cristal avellanodo (cristal-noisette), palometa (blanc immaculé), negrisco (gris foncé) amarillo (jaune). L’amarillo et avellanado avaientt disparu et ont été recréés il y a quelques années.

 

    
groupe de coqs indios

 

                                                                                                                                               En Limousin

.Magnifique « Limouzin » de l’élevage de Jean-Pierre Labarre.

Deux foires du coq de pêche à Neuvic d’Ussel et Pontarion, accompagnées de leurs concours respectifs ont défini la race limousine, couleur, brillance, finesse et solidité.

 

Le "coq limousin" est gris bleu et pour mériter cette appellation, il doit être élevé sur un périmètre bien délimité entre la Haute-Vienne, la Creuse et la Corrèze. Les limougeauds ont préféré faire confiance au protectionnisme d’une appellation contrôlée plutôt que de confier en l'adage qui dit que le coq limousin n'obtient ses qualités qu'en terre limousine. Bien que, selon Guy Pla qui fut éleveur pendant des années : “Tenter l’élevage de coqs de pêche hors du Limousin est une entreprise aussi vaine que d’espérer du Château Margaux d’une vigne de Patagonie”. Le même Guy Pla expliquait aussi il y a une vingtaine d’années que sur 200 poussins mâles et femelles, il conservait une dizaine de coqs mais qu’un seul serait digne d’être un vrai coq de pêche. Aujourd’hui l’éleveur Jean-Pierre Labarre, qui pratique la sélection depuis quinze ans, affirme être parvenu à 80 % d’animaux conformes.

Dans un premier temps c’était surtout les hackles (camail) qui étaient utilisés. Mais les coqs sont aussi sélectionnés aujourd’hui pour leurs lancettes, pelles de cape et des ailes qui sont mises en vente par les éleveurs. Alors qui de l'œuf ou de la poule fut le premier, le Leonnais ou le limougeaud? L'origine semble venir du coq Indio de racine andalouse. Il est possible que quelque pèlerin pêcheur, revenant de Compostelle ait ramené avec lui ces coqs dont la couleur si étrange attire si bien la truite. Au moment des grandes pestes particulièrement mortifères dans la péninsule ibérique du XVIe au XVIIIe siècles, de très importantes vagues d'immigrations françaises venues de toute la zone lingüistique occitane, fuyant famine et misère, se sont installées en Espagne ou de grandes étendues de terre étaient restées vacantes après la disparition des paysans. Des documents attestent d'échanges commerciaux avec les familles restées sur place, vins, porcs, premières pommes de terre … pourquoi pas volailles?

La mention de "coq de pêche", dans un texte français, date de 1891, nous la trouvons dans un recueil de contes et légendes du Limousin, c'est à dire 267 ans après la première mention des coqs du León dans le manuscrit d'Astorga. Difficile de croire à une origine limousine, bien qu'en Histoire tout soit possible … avant qu'un document, ou un test ADN, ne prouve le contraire, mais pour lutter contre la consanguinité, les éleveurs du Limouzin vont acheter régulièrement des poules et des coqs au Léon et une enquète ADN s'avère impossible La seule différence visible entre les Indios leonnais et la race limouzine vient de deux barbillons blancs que l’ont trouve toujours sur le coq espagnol, peut être un lointain héritage du “Negro de Castille” ou du “Sureño negro” d’andalousie qui possèdent tout deux cette caractéristique.

En Espagne ce sont surtout les plumes du corps qui étaient utilisées pour le montage. Juan de Bergara précise bien "plume du cou" pour un seul de ses patrons, car c'est l'exception qui confirme la règle.

Dans le reste de l'Europe et aux États-Unis, influence anglaise oblige, ce sont les hackles qui sont privilégiés.

Les éleveurs américains ont longtemps sélectionné leurs coqs en fonction des plumes de cou (Metz). Hoffman sélectionnera ses coqs pour obtenir des pelles et des lancettes permettant de monter des dizaines de mouches avec une seule plume. En raison de l'influence de la demande sur l'offre, tous les éleveurs, aujourd'hui, diversifient leur production et le marché américain nous offre de magnifiques lancettes et les Indios leonnais de merveilleux hackles.

Les Etats-Unis champion de génétique.

De l'autre côté de l'océan, dans le paradis des Catskills berceau de la mouche sèche du nouveau monde, Harry et Elsie Darbee, monteurs professionnels se lancent dans l'élevage de coqs de pêche. Nous sommes à Roscoe en 1935. Ont-ils lu les travaux du Dr. William Baigent? C'est fort possible car ils commencent leurs premiers croisements entre race bleue d'Andalousie et combattants anglais. Exactement les mêmes espèces de l’élevage du britannique. Nous pouvons pratiquement affirmer que la plupart des plumes de coqs américains vendues aujourd'hui sont issues de ce premier élevage. Car le généreux Darbee envoyait des oeufs sélectionnés à tous les passionnés qui en faisaient la demande. L'un d'eux Andy Miner du Minnesota offrira à son tour cent quarante quatre œufs à Buch Metz. Ils engendreront une production de cent mille cous par an.

Les cous Metz pendant des décennies seront synonyme de hackles de qualité supérieure. Metz sera le premier à pouvoir exporter de grandes quantités de cous de couleurs et de caractéristiques toujours égales. Pendant les années 70 et 80, Metz sera le premier vendeur au monde.

Puis le même Andy Miner aidera Henry Hoffman de Warrenton (Oregon) dans sa recherche du "Grizzle" parfait. Hoffman, passionné de pêche, bâtira sa propre ferme d'élevage. Pendant près de dix ans, il n'élèvera que des coqs "grizzles" aux plumes blanches et noires. Mais son génie le fera rompre avec la tradition anglo-saxonne du "tout hackle" et du cou de coq pour privilégier les "saddles", c'est à dire les plumes du corps, pelles et lancettes. Le succès sera inespéré. Encore une fois le précurseur n'est pas l'inventeur puisqu'en Espagne les éleveurs ont toujours procédé ainsi en sélectionnant des coqs pour leurs plumes de corps. Si en Espagne les coqs sont plumés, aux States ils sont tués et ce sont les peaux tannées avec leurs plumes qui sont commercialisées.

En 1989 Hoffman fait alliance avec le Dr. Whiting tout frais émoulu diplômé en génétique, "spécialité volaille", de l'université d'Arkansas. A partir des cinq milles poussins d'Hoffman ils créaient la première "Whiting farm". Les débuts ne furent pas faciles. Tous les coqs ont la fâcheuse manie de se voler dans les plumes sans arrêt. Quand du sang de combattant coule dans leurs veines cette manie devient une obsession. Trop de peaux étaient trouées à coup d’ergots et non commercialisables. Il fallut créer des cages individuelles. Les longues pelles et lancettes obligeront nos professionnels de la génétique à produire des coqs à très longues pattes pour éviter que les plumes ne traînent dans les fientes. Ils se devront de les "allonger" au même rythme qu'augmenteront la longueur des plumes. Le bon en avant fut spectaculaire. La qualité des pelles obtenues augmenta si rapidement qu'il fallut abandonner la graduation ancienne 1, 2, 3 pour gold, silver, bronze et enfin "platinium". Aujourd'hui il existe quatre fermes d'élevage "Whiting farms" qui produisent 125 000 œufs par an. Seulement 2% auront les qualités requises pour devenir des reproducteurs.

Les cous de coq n'ont pas été abandonnés pour autant, la sélection privilégie aussi des hackles fins, résistants et très longs. Aujourd'hui les cous Hoffman sont les meilleurs du marché international et la plupart des monteurs professionnels travaillent à partir des plumes Hoffman. Un coq des “Whiting farms” de six mois atteint aujourd’hui une maturité de plumes équivalente à un sujet de deux ans. Des sélections génétiques nouvelles produisent des plumes pour remplacer le “jungle coq” ou coq de Sonnorat (Gallus sonneratii) originaire de centre de l’Inde et en voie de disparition. Leurs plumes, très prisées des monteurs imitent à la perfection les yeux ou les joues des streamers. Des coqs produisent des plumes spéciales pour la pêche en mer, pour les leurres à black-bass ou pour les saumons atlantiques.

La toute dernière innovation: importer des coqs Pardo du León pour produire en quantité des "speckled feather" plumes mouchetées. En 1990, il restait encore un défi à relever: obtenir la pigmentation des plumes des coqs Pardo et vaincre leur indomptabilité légendaire. Le Dr. Thomas Whiting s'interroge, s'il est vrai que certaines traditions ont un fond de vérité indéniable, la légende n'est-elle pas maintenue tout simplement pour décourager les tentatives d'élevage hors des frontières du León? Il prends très au sérieux le "challenge", c’est un défi personnel qu’il se lance. Il importe des œufs de trois élevages différents et installe ses poussins tout à côté de sa propre maison afin de suivre au plus près l'expérience. Il produit ses poulets en batterie et accélère leur reproduction afin de sélectionner en un temps record les gènes des meilleurs d'entre eux. Ce que la nature mets des millénaires à produire, il l’obtient en quelques années. Mais il faut qu’il ajoute toutefois une touche personnelle en sélectionnant aussi des poules, non seulement pour assurer la qualité des plumes des descendants, mais pour en commercialiser plumes de capes, scelles et plumes de poitrine. Ce qui n'avait jamais été fait au León en presque cinq siècles de tradition. Dix ans après sont commercialisées sous le nom de "Genuine Whiting Genetic Coq de León" des plumes "Tailling Packs" selles et capes de Coq. Toujours en plume sur peau, car l'animal est tué contrairement au León où il peut être plumé plusieurs années de suite. Au moment ou ce texte a été rédigé la palette de couleur des pardo-whiting se limite à différents tons de gris et ne propose pas toute la game de couleurs que l'on peut trouver au León, le brillant exceptionnel des plumes obtenues sur les terres du León n'a pas encore été atteint dans les élevages américains. En revanche ce sont d'excellentes plumes qui satisfont un grand nombre de pêcheurs dans le monde.

La Science réussira t’elle là où la nature se refusait de le faire? Nous saurons enfin s'il est vrai ou seulement légendaire que les coqs du León ne peuvent satisfaire les moucheurs que s'ils sont élevés sur le plateau Leonnais … à deux pas des plus belles rivières à truites du monde … parole de Juan Bergara. Le catalogue JMC 2009 propose trois cous de coq “de León produit par les fermes Whiting-Hoffman. Au côté des fermes Whiting-Hoffman, il existe aux USA, quantité d'élevages plus modestes produisant des plumes de grandes qualités. Pour la plupart d'entre-eux le seul vaste marché américain de la pêche absorbe toute leur production. Nous avons mis l'accent sur Hoffman car pour la grande majorité des moucheurs, ce sont les "plumes" qu'ils connaissent et utilisent parce qu'elles sont omniprésentes sur le marché international.

                                                                                                                                                                  JM   Touron