Romilly Fedden: Golden Days
1919-1949-1999

                                                     

Le récit publié en 1919, du séjour breton d'un célèbre peintre Anglais qui pêche en Bretagne et parle remarquablement de la pêche, mais également de la Bretagne et des Bretons..!

 

L'auteur

Arthur Romilly Fedden (1875-1939) était un artiste anglais et aquarelliste .Le fils d' homme d'affaires Henry Fedden, son jeune frère était l'ingénieur Roy Fedden . Romilly a étudié sous Hubert von Herkomer à Bushey , à l' Académie Julian à Paris, et enfin en Espagne. Il a vécu et travaillé en France, dans un endroit appelé Chantemesle près de Vétheuil sur la Seine . Il était marié à Katharine Waldo Douglas , un écrivain américain; leur fils Robin Fedden était aussi un écrivain. Romilly Fedden a écrit deux livres: Modern Couleur de l' eau (1918) et Golden Days (1919). Il a également illustré un livre écrit par sa femme sur le Pays basque . Il est mort de blessures subies dans l'accident du Sud Express en Mars 1939. Sa femme, qui a également été blessé, est décédé peu de temps après lui.

Mon opinion

Je ne reprendrai pas les critiques enthousiastes justifiées de cet ouvrage offert par un ami et que j'ai dévoré...je dirai simplement
* Que le quatrième de couverture ci dessus est parfait
*que j'ai été amusé de constater qu'en 1919, déjà, "il n'y avait plus rien"...que "ce n'est plus comme il y a 10 ans"...que le braconnage, l'usine et la voie ferrée ont "bouzillé la rivière"...
*que j'ai adoré l'évocation de quelques légendes Bretonnes....
*et que j'ai été vraiment "séduit" par quelque chose que personne n'a signalé jusqu'à présent,.....la qualité de la traduction écrite en un français remarquable qui occulte complètement le fait que ce texte a été écrit en Anglais par un Anglais .....LISEZ LE ..... et jetez ensuite un oeil sur ces deux aquarelles de cet auteur qui avait décidément tous les talents!!

                                                          

L'ouverture

Vous connaissez, comme moi, l'instant délicieux où, pour la première fois de la saison, on assemble sa canne. Chaque cliquetis du moulinet est une joyeuse musique. L'hiver est passé! Le printemps est dans l'air et dans nos veines. Notre plaisir atteint sans doute son paroxysme quand, bas de ligne encore dans la bouche, on aperçoit le premier gobage et que l'on sélectionne la mouche que le poisson prendra bientôt. Ce jour-là, on ne voyait émerger aucun insecte; aussi, après avoir monté une « Blue Dun », commençai-je à explorer quelques pools engageants à l'amont du pont. Quelle matinée! Un héron s'envola des hauts-fonds, tel un fantôme, dans la courbe de la rivière et, sur l'autre rive, à travers les saules et les peupliers, les rayons obliques du soleil tachetaient le paysage de bleu et d'or. Çà et là des amas de rochers gris émergeaient des ajoncs. Plus loin, à flanc de colline, les bourgeons printaniers étaient empourprés. Les bois s'étaient éveillés. Là-haut, dans le ciel, une alouette chantait. Des pies jacassaient dans un fourré voisin. La rivière roucoulait sur un lit de galets puis gloussait en arrivant, plus bas, dans une fosse profonde et sombre. Une seule note manquait à cette symphonie: le ploc répété, le ploc si plaisant à l'oreille du pêcheur, le ploc accompagné de l'onctueuse bulle à l'ombre de la berge opposée, et des cercles qui s'élargissent, signalant une truite qui gobe en surface. Pas un poisson ne s'était montré et bien que pêchant sans répit, je n'eus pas une seule touche. Le poisson ne s'alimentait manifestement pas. Les berges étaient inondées en de nombreux endroits et mes pieds étaient trempés. J'avais froid et j'étais plutôt découragé. Les reflets avaient déserté les rayons du soleil. Les discours des pies semblaient maintenant ironiques. Elles réalisaient à coup sûr le ridicule qu'il y avait à lancer une touffe de plumes pour prendre un poisson imaginaire.

 

24 juillet

Je me suis éveillé avec les mugissements d'un vent violent; pêche inutile. En soirée suis descendu pêcher l'eau calme du moulin; pris quelques beaux poissons... Mouche de l'aulne. Il Y a de nombreux endroits en Bretagne, où les eaux sont prisonnières à l'amont des moulins et forment de longs biefs profonds, sans intérêt, en temps normal, pour le pêcheur à la mouche. Elles cachent pourtant de belles truites et, quand leur surface est ridée par une forte brise, elles valent bien une heure de pêche. Ce soir-là, je pêchais contre le vent avec une mouche de l'aulne flottante. Chaque poisson était pris sur un sillage délibéré! Comme nous avons tous peiné pour éviter ce sillage fatal en pêchant les rivières calcaires! Ce jour-là, pourtant, je ne prenais les poissons qu'en encourageant les funestes penchants de ma mouche. Auparavant et à partir de l'autre rive, j'avais pêché tout ce bief avec vent arrière. J'avais pu ainsi éviter tout sillage mais pas un poisson n'avait bougé. On peut expliquer ainsi le comportement particulier de ces truites: elles se tenaient sur le fond, inactives, mais manifestement disposées à monter gober si leur attention était attirée par quelque chose de suffisamment remuant et séduisant. À partir de l'autre rive, ma mouche avait flotté à la perfection sur les vaguelettes, mais trop discrètement. De ma rive, en revanche, lancée contre le vent et draguée à la surface, elle était beaucoup plus vivante et visible. Notez cependant que le sillage délibéré n'était pas obtenu en la retenant, mais en la laissant glisser sur l'eau au gré du vent. Elle donnait ainsi l'impression d'un insecte ballotté par les vagues et cherchant à s'enfuir.

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