Lord Grey of Fallodon: Pêche à la mouche
                                                                (1899.....1947)

                                                                                                                               

Le livre :

Paru en avril 1899, l'auteur avait 37 ans, avec un énorme succès immédiat cette édition de 1947 est la huitième, il n'est pas de meilleure présentation que celle de l'auteur lui même

"Mon but n'est pas d'enseigner l'art de la pêche...mais d'exposer quelques uns des mérites et des charmes de la pêche et de faire comprendre pour quelle raison les pêcheurs ont coutume de se féliciter entre eux de connaitre une des meilleures et des plus merveilleuses distractions qui soient permises à l'homme"

suivie du conmmentaire du traducteur, Léonce de Boisset :

"J'ai aimé et j'aime parce qu'il est un des moins techniques des livres de pêche anglais...............C'est peut être, de tous les livres anglais de pêche écrits depuis Isaac Walton, le plus frais, le plus teinté de poésie, le plus accessible, en un mot le plus humain.C'est , d'après son auteur lui même, un livre "heureux".Conseils et avis s'y pressent, mais ils sont donnés du ton le plus naturel et de la façon la plus aimable qui soit au monde sans la moindre prétention dogmatique, en grand seigneur........."

 

                                         

 

L'auteur: 1862-1933

                                                                             

Edward Grey né en 1862, fut enfant à Fallodon, aux confins de l'Ecosse et au milieu des rivières à truites qu'il pêchait au ver, puis écolier au collège de Winchester à partir de 1876 où il fit sur l'Ichten ses premiers pas de pêcheur à la mouche, pour devenir à 20 ans héritier du domaine de Fallodon et du titre de baronnet :Sir Edward Grey .
Il fit une remarquable carrière politique en tant que ministre entre 1886 et 1916, jusqu'à diriger pendant 11 années le Foreing Office avant de se retirer à 54 ans à Fallodon et perdre la vue deux ans plus tard pour décéder en 1933 à 71ans !

Amoureux de le nature, des oiseaux et des écureuils, sa passion dominante qu'il cultiva sans défaillance tant qu'il en eut le pouvoir, fut la passion de la pêche: "les véritables pêcheurs le sont de naissance et non par éducation"!. Il avait fait édifier sur l'Ichten, pas loin de Winchester, un cottage sur un parcours de 3 milles qu'il fréquentait assidument et où il avait une réputation de "magicien" tant le voir pêcher, uniquement tant que duraient les éclosions, était un enchantement!

Mon opinion:

Au terme de cette lecture je me demande comment il est possible d'écrite si joliment des choses aussi simples au sujet de la pêche à la mouche!!.

Ce livre n'est pas plus un ouvrage technique, je n'ai rien appris de bien particulier, ....qu'un recueil de souvenirs dont il se nourrit pourtant abondamment, ce n'est pas non plus un ouvrage à prétention littéraire avérée tant le style en est simple et "naturel" ...il est pourtant les trois à la fois...une ode superbe à la pêche à la mouche, sèche surtout, mais aussi noyée que l'auteur n'affectionne pas contrairement à la pêche à la truite de mer et au saumon, écrite dans une langue qui coule aussi gracieusement et calmement que l'eau pure des chalks streams si chers à l'auteur, nourrie de ses souvenirs de pêcheur d'exception et riche de constatations "sur le vif", qui sont autant de conseils délicatement dispensés "mine de rien" par un authentique orfèvre en la matière, dont les lettres de noblesse indiscutables de par sa qualité de "Lord" se justifient totalement de par la qualité de son "écrit"...Chapeau Mylord!!

Un seul reproche au volume que j'ai entre les mains: la modestie excessive du traducteur, j'ai nommé Monsieur Léonce de Boisset, qui dans l'introduction s'excuse d'avance alors qu'il a manifestement, bon sang ne peut mentir, réalisé une traduction "exemplaire" à laquelle on pouvait s'attendre de la part de cet autre "grand" de la littérature halieutique..mais où sont les neiges d'antan??,

................Et pourtant R.Rocher nous rapporte l'amertume de L De Boisset::

                                                                      

............................................................................alors que la traduction n'était pas en cause, c'est certain!!

 

 

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                                                                                                                              Extraits

L'enfant

J'ai gardé le souvenir d'un jour où. après plusieurs prises qui s'étaient rapidement succédées, les truites cessèrent subitement de mordre. L'un après l'autre, mes petits pools favoris furent essayés vainement, à tel point que je fus envahi par l'appréhension de quelque chose de mystérieux. Je me sentais oppressé par l'ombre et le silence du bois; tout ce qui m'entourait avait l'air d'être prévenu et complice d'un complot secret contre moi. et j'avais l'impression qu'il n'était pas convenable de pêcher. A la fin, je me trouvai incapable de subir plus longtemps cette angoisse, et laissant là ma canne et ma ligne pêcher d'elles-mêmes dans un pool, je grimpai à l'orée du bois pour voir ce qui était arrivé dans le monde extérieur. Je vis alors accourir un gros orage, plein des redoutables menaces dont sont si souvent chargées les nuées de la foudre. La vue de ce spectacle me terrifia. Je me précipitai en bas pour reprendre ma canne, et abandonnant le ruisseau et le bois, je pris la fuite devant la tourmente, ralentissant par moment mon allure pour reprendre haleine, mais recommençant sans arrêt ma course, poursuivi par les éclats du tonnerre derrière moi.

L'adulte

. "A mon avis, c'est. une erreur de croire que la truite cherche à se rouler dans l'herbe pour opposer une résistance. II est probable que sa première idée est de se cacher hors de vue, mais je suis convaincu qu'un de ses procédés de défense est de prendre les herbes entre ses dents. J'avais remarqué depuis des années que les truites prises après s'être défendues dans les herbes avaient généralement des brins d'herbe dans la bouche. mais il me semblait invraisemblable qu'elles les eussent saisis de propos délibéré. Or il m'arriva un jour de manœuvrer une truite en eau claire et peu profonde, où il n'y avait aucun banc d'herbes important et où l'on pouvait voir tous ses mouvements. Le poisson s'êtant approché d'une petite touffe d'herbes s'y arrêta et j'eus de suite l'impression d'un poids mort au bout de ma canne. Cela me parut absurde, car les herbes étaient beaucoup trop petites pour cacher le poisson dont la tête seule étaitt en contact avec elles. Il n'y avait devant moi rien d'autre que cette ridicule petite touffe d'herbes et le poisson qui dépassait à peine la livre et que cependant je n'arrivais pas à faire bouger. Finalement quand ma truite fut dans l'épuisette je constatai qu'elle avait, comme de coutume, un peu d'herbe dans la bouche. L'explicationi naturelle qui me vint à l'esprit, comme elle serait venue à quiconque, fut que ma ligne pouvait avoir entouré la petite touffe d'herbes me donnant ainsi la sensation de tirer un poids mort. Mais je vis, à l'examen, qu'il n'en était rien. Et depuis lors des expériences analogues faites sur des eaux peu profondes où je pouvais m'avancer tout près du poisson et examiner à loisir chaque détail, m'ont convaincu que la truite essaie de résister à la tension de la ligne par le moyen que je viens d'indiquer

L'ancien

Ainsi quand le pêcheur regarde en arrière, c'est moins à des captures et à des journées déterminées qu'aux décors parmi lesquels il a pêché, que s'arrête sa pensée. Ce qui remplira l'esprit du pêcheur quand il revivra ses souvenirs de pêche, ce sera la luxuriance des prés d'eau qu'anime la vie des insectes, des oiseaux et des truites, la note tendre et gaie que leur donnent la verdure et les fleurs du premier printemps, la noblesse et la force des grandes rivières à saumons, la joie de contempler un pool grand ou petit, la richesse de couleur des eaux brunes des Highlands, l'aspect sauvage des espaces sans arbres et sans chemins où il a poursuivi la truite de mer. Il se souviendra évidemment des succès de certains jours particuliers, mais il ne pourra jamais les isoler de la vision des aspects et des scènes du monde où il a pêché. Car c'est, en vérité, un monde à part, un monde de beauté et de joie. Un temps vient nécessairement pour tous ceux qui vivent longtemps où le passé compte plus que l'avenir. Le pêcheur parvenu à cette étape de l'existence où l'on revit la mémoire des plaisirs passés se sentira pénétré de reconnaissance et de gratitude pour le bienfait qu'il a reçu d'être pêcheur. Car il embrassera dans son regard en arrière une succession délicieuse de jours heureux, jalonnés d'une suite de sommets, et de sommets illuminés de clartés joyeuses qui n'en seront pas moins brillantes parce qu'elles seront éclairées dans le souvenir par les lueurs du soleil couchant.