Michel Flenet, "Michou" pour les intimes.... DCD le 12/12/20 à Lons le saunier à 61 ans!! (interviewé par Nicolas Germain en 2007)
Aujourd’hui je reçois , excusez moi du peu, un invité de marque en la personne de Michel Flénet, Michou pour les intimes. C’est dire le bonheur que m’a apporté cette interview….qui sans nul doute, fera votre bonheur aussi ….alors je vous le laisse… Nicolas Germain : Bien que tu sois mondialement connu, peux tu te présenter Michel s’il te plait ? Michel Flenet : mondialement... Meuh non. !! Je suis
seulement connu en Europe comme monteur de mouches artificielles ! Les débuts Interne à l’école des sourds de Cognin à Chambéry depuis l’age 7ans, je suis devenu entre 18 et 21 ans grâce à ma Renault 10 et à la découverte des nymphes, un excellent pêcheur des torrents savoyards au toc. NG : La pêche tient une place prépondérante dans ta vie, raconte nous un peu tes premiers pas aux bords de l’eau. MF : heu heu mes premiers pas en fait, furent ……des tours
de roue sur mon petit vélo blanc, cadeau de Noël de mes 7 ans avec lequel, équipé
d’une canne en bambou trouvée dans la cave de ma mamie, je suis parti à la pêche
sous un orage d’été. A 14 ans, pendant les vacances scolaires, c’était la pêche aux truites au ver à l’ouverture, aux barbeaux l’été, et aux coups du soir aux poissons blancs et parfois aux truites et aux ombres avec mon copain de classe résidant à Mathay à 3km , qui me prêtait de temps en temps sa canne à mouche et sa tresse parallèle graissée avec ses araignées préférées rousses à corps jaune : je m’initiais alors à la pêche à la mouche en sèche à vue sur les gobages à Bourguignon dans le Doubs ! Vers mes 17ans mes parents m’ont offert une Fenwick 8’ #4 et quelques sedges
Suisses au corps en liège que le magasin de pêche à Pont de Roide avait conseillé
à mon père. De 22 à 25 ans j’ai interrompu la pêche, je travaillais alors à Dijon et partageais mes loisirs entre la planche à voile, la plongée, la nage, la chasse sous marine en apnée, les cross country et le ski alpin. Le Montage, les concours NG : La pêche à la mouche t’as amené au montage de mouche, et dans ce domaine tu es un maître, quelles sont les raisons qui t-on donné envie d’aller toujours plus loin dans le montage ? MF : Je n’ai repris la mouche qu’à 25 ans et me suis alors mis au montage !
D’abord quelques mois avant j’ai été muté de Dijon à Mandeure au bord du Doubs
J’ai découvert alors les magnifiques nymphes d’Erich Tolderer, les superbes sèches d’Ariel Nunez et me suis efforcé de les imiter. Fin 85, j’avais la totale approbation de Cuenin qui me classait amicalement « hors concours » pour me conseiller ensuite de me présenter au concours de montage mouche du Jura organisé par André Terrier. J’ai été classé premier au général et premier au concours de la plus belle mouche avec une récompense de rêve :faire voler un petit avion en double commande !!! Il est pas beau notre Michel (on peut reconnaitre sur la Photo André Terrier, Maillard (mouches Devaux à l'époque), Michel Guillemin...) Le secret est de ne jamais se satisfaire ses réalisations ni de ses succès aux concours, et de toujours essayer de mieux faire !!! Lors de mes premières démos mouches dans les salons et fêtes de pêche, les maîtres monteurs étaient là pour m’assister dans mes montages, me conseiller, et chacun m’a confié un ou deux trucs ….Avakian, Poirot, Bresson, Chignard, Nunez ….Merci à eux de m’avoir ainsi « porté » A moi maintenant de transmettre mes expériences, j’ai même filé des trucs à Misterhyde à Montselgues …. mais n’ai-je pas prêché dans le désert ?!Hihi !!
NG : Les très bons monteurs sont aussi rares que les très bons pêcheurs, quelles qualités faut-il avoir pour arriver à un tel niveau ? MF : Il faut travailler…J’ai monté une dizaine de mouches
tous les soirs pendant au moins 2 ans, mais j’ai aussi investi 500ff par mois
dans de nouveaux matériaux de qualité et de beaux livres de collection des maîtres
tels que Skues, Gaidy et Manach ………….
IL faut sans cesse revenir en arrière pour bien vérifier la parfaite exécution de l’étape précédente à la poursuite du moindre défaut à corriger quitte à défaire le montage, avant de poursuivre par l’étape suivante, et aboutir ainsi à des montages de plus en plus soignés ! Ces corrections immédiates, pendant le montage sont extrêmement importantes
pour arriver à un bon niveau, .surtout à cette époque où il n’y avait pas Internet
ni les forums spécialisés pour se confronter et s’instruire ! J’ai constaté pendant 9 années au « Mustad », où j’ai été classé 3 fois deuxième, que l’approximation n’était pas de mise….jusqu’à accéder enfin en 1999 à la première place …j’ai alors arrêté cette folie des concours, folie car c’est le seul mot qui convient pour décrire le chemin à parcourir pour franchir les étapes jusqu’au plus haut niveau.. ! Quasiment suicidaire, mais je ne regrette pas, bien sûr…et rien à voir avec la pratique de la pêche !! L’entomologie et la pêche Plus gratifiant à mon sens fut par la suite mon approche des « bestioles
aquatiques »…car j’ai passé ensuite autant de temps que j’en avais consacré
au montage, à pêcher mais aussi à fouiller sous les racines, les herbiers, les
mousses pour y débusquer tout ce petit monde vivant dont je ne connaissais pas
encore les noms !! Et durant les longues soirées d’hiver, je reproduisais par mes montages les artificielles correspondantes…. ! NG : En plus d’être un monteur hors pair, tu es également un très bon pêcheur, le Doubs Franco Suisse est ton jardin, parle nous un peu de ce lieu que tu aimes tant. MF : Ah …non, je ne suis pas aussi bon pêcheur que monteur, je ne crois pas, je me considère plutôt comme un « pêcheur du dimanche ».mais je prends tellement de plaisir à pêcher, et à essayer de m’améliorer pour pêcher mieux !!
Avec l’école ou seul, j’ai pêché un peu partout où il y a des truites. J’ai parcouru toute la Loue, les rivières des Vosges, la Haute et la Basse rivière d’ Ain ,la Haute Seine, Le Dessoubre, les rivières des Pyrénées avec JC Lacan et Nunez ……….. En général, noblesse oblige….j’ai pêché jusqu’en 2000 chez les maîtres monteurs pro et chez les gagnants des concours, et en diagonale du sud ouest : des Pyrénées et de Biarritz… au nord Est à Strasbourg … ! Revenons à nos moutons : piètre pêcheur face à mon maître Jean Jacques
Cuenin, dit « l’araignée », qui pêche « plus vite que son ombre »,
me tient la main, me montre ses coins à grosses truites, me dit : « celle
la va mordre… »..et que je regarde œuvrer , rapide, précis…il ferre… le poisson
qu’il avait repéré et que moi je n’ai pas vu , distrait par une éphémère , quitte
à me dire ..tu as vu , c’est avec ta nymphe tressée chocolat que je l’ai prise..,
lui, c’est un vrai « preneur de truites » !!. Grâce à mes rencontres avec d’authentiques grands pêcheurs, y compris à Goumois et chez Sansonnens, j’ai compris que la aussi, rien ne remplaçait la pratique, et que la pêche demandait précision, douceur et lenteur pour éviter les gestes brusques surtout en nymphe à vue et que cela pouvait s’acquérir….avec le temps… et il m’a fallu des années, !! Mon jardin secret c’est toujours la Franco Suisse, à Goumois c’est mon paradis avec son Moulin du Plain de Pierre Choulet. Sur quelques Kms, on rencontre berges encaissées, longs herbiers, gravières, pools, lisses, courants, tous très poissonneux, sans compter les quelques grands pêcheurs présentés par Pierre ! Même si la pêche y est plus difficile qu’ailleurs, j’adore Goumois !! Qu’elles
soient « de sortie ou pas », que je sois bredouille ou pas, je suis ravi
d’être au bord de l’eau et ravi… d’être à la pêche à Goumois !
Le San et la Mongolie sont des destinations que j’ai adoré, mais on ne compare
pas Goumois ni la francoSuisse ni les rivières Franc Comtoises L'amour de Michel, c'est elle!! Préservation des rivières NG : Je te sais impliqué dans l’AAPPMA locale, as-tu des envies ou des craintes pour l’avenir de ta rivière ? MF : Non je ne fais pas partie du comité d’AAPPMA, je ne peux pas parler comme il faut ni téléphoner. Je préfère simplement apporter mon aide au besoin localement et à la Franco
suisse par exemple pour les filets anti cormorans…mais je constate la raréfaction
des beaux herbiers et des nymphes, alors que le Doubs et le Dessoubre ont connu
les grosses pollutions, subi des modifications du fait de l’homme ! Lors de mes débuts à Goumois, il y avait par endroits des groupes de 20 à 50
ombres et 10 ans plus tard il n’en restait plus que la moitié, et aujourd’hui
il ne reste que 20% de ce que j’ai connu dans les années 1986 à 1990, il en
est de même pour les truites qui ont disparu pour 60 à 70 % ! Mon ami Galliot
l’ex-président d’AAPPMA du Dessoubre, grand défenseur et protecteur de sa rivière
interdisait la mouche avant l’ouverture de l’ombre si fragile….il ne fut pas
réélu et le Dessoubre est désormais quasiment vide de poissons, sauf dans les
coins inaccessibles au Borne, km 0 Je te souhaite Nicolas, à la tête de l’AAPPMA de Crotenay chez le bien aimé André Terrier bon courage pour améliorer au cours des années à venir , en priorité la qualité de l’eau et préserver ainsi la vie aquatique et la population piscicole , comme l’ont déjà tenté sur l’Ain jadis les grands de la Bresse et de Lyon ! Rencontres NG : Ton parcours t’a fait rencontrer un grand nombre de pêcheurs exceptionnels, je suppose que ces rencontres et les amitiés qui en découlent font partie des moments forts de ta vie ? MF : je peux dire grand merci à tous ceux que j’ai rencontrés
et en compagnie desquels j’ai passé au bord de l’eau, mais également à table,
des moments mémorables …. Après avoir tant reçu de tous ces noms prestigieux, c’est maintenant mon plaisir de vous transmettre un peu de leur savoir en corrigeant vos défauts de montage via montotem et les chevaliers de l'archisèche , et de m’amuser avec vous, les obscurs, les sans grades… pour le seul plaisir d’être ensemble et de faire les fous au bord de l’eau… VOYAGES NG : Tu es un vrai globe trotter, quel est le pays où tu es allé qui t’as laissé le plus beau souvenir ? MF : Mon premier saumon Irlandais est un souvenir impérissable….Jean Tessier de Plaisirs de la pêche, Dessaigne et Lacan qui m’accompagnaient sont accourus en m’entendant hurler…et .mon dernier est un saumon atlantique français sorti du Blavet cette année alors que je pêchais avec mon inséparable ami Jean Paul Dessaigne !
Parmi les nombreuses destinations que j’ai connues, je préfère celles de l’hémisphère nord, à l’exception de mon paradis de l’île de la Réunion en raison de ses Mafates et de ses coryphènes !! J’ai ainsi, en tant qu’invité pour présenter mes montages ou pour pêcher chez des amis, emmené mes cannes en Suisse, Italie, Espagne, Norvège en compagnie de Fabre Brice, Torill Kolbu, Dawy Wotton, en Irlande, au Quebec, au Sénégal, en Floride, et sur la Glomma en compagnie des plus grands monteurs.. ! Et pour mes vacances de pêche,, j’ai choisi l’ Allemagne, l’ Autriche, le San en Pologne, le Vermont aux USA , j’ai tâté de la Perche du Nil en Egypte, du Bonefishs à Cuba, du Taimen en Mongolie……sans oublier le tourisme pur en Grande Bretagne, Grèce et Canada !! NG : En parlant de voyage, tu es systématiquement sur les routes pour diverses manifestations de montage, ton sens du partage n’a pas d’égal, qu’est ce qui te fait avancer ? MF : Mon plus grand plaisir est celui des rencontres internationales où je suis en fait invité pour transmettre ce que je sais, où je retrouve des amis de longue date, et où je m’en fais de nouveaux…tout comme je m’en suis fait ici même avec vous …avec qui je continue d’apprendre…. ! Mon école, mon site, ma nymphe tressée NG : Tu t’occupes également de ton école de montage de mouche,
tu as un site Internet fabuleux
Michel Flénet MF : Ah bon, merci pour tes remarques…mais lors des démos, j’ai parfois du mal à communiquer, ce que je fais alors par écrit, ainsi que mes visiteurs Pour l’école, je suis président depuis 15 ans. Les nouveaux venus ne me comprennent pas toujours mais les anciens servent d’interprètes et petit à petit, on finit par se comprendre et pour les cours de montage, je distribue des fiches où je dessine chaque étape ! Autrefois avant Internet, beaucoup de mes questions restaient sans réponse…mais depuis, la communication, grâce aux forums, est devenue bien plus facile, et j’ai vite appris à échanger par cette voie les informations et à guider par mes indications et mes critiques le monteurs « en herbe », mais aussi à recevoir des avis multiples et ainsi apprendre encore bien des choses de la part de moucheurs dispersés aux quatre coins de l’horizon ..merci au progrès et merci à vous !! NG : Michel, peux tu nous parler de tes boites de nymphes ? Est ce qu’il t’arrive de pêcher avec des nymphes toutes vilaines ou est ce que tu ne pêches qu’avec tes œuvres d’art ? MF : Ce n’est pas la boîte à mouches qui fait la pêche… si vous voyez mes boîtes,…. c’est le bordel !! Mes nymphes tressées et perlas ne sont pas des œuvres d’art, elles ne sont pas faites pour être en vitrine sauf une qui a fait le tour du monde des musées depuis les USA jusqu’au JAPON !! Les poissons affamés en quête de nourriture n’y verront que du feu , ils ne voient pas la différence entre les bonnes caricatures et les simplement « passables » , à condition de bien les présenter dans la bonne veine / couloir de courant où « ça se ferre tout seul ». Comprenons que les grosses truites acceptent les Mepps n°4 ou 5, malgré ces
monstrueux triples… or les nymphes sont en 7mm !
Je ne pêche pas avec des « vilaines » ou « affreuses »
type Misterhyde, car il prétend…. que je ne sais pas les monter (hi hi). Faux plombage façon Michel Flénet L’histoire de mes nymphes tressées : à Goumois, fausse montée
sur une nymphe jaune, également sur une nymphe couleur rouille ou olive alors
qu’en associant deux nymphes olive et jaune en tandem…..banco !! Une seconde fois je fus photographié, camescopé et videoscopé dans un hôtel
empli de Japonais en tant qu’heureux gagnant du concours de montage qui avait
pris 2 saumons en Irlande ! Perspectives NG : Tu fais partie de la « vielle école », que penses tu de la nouvelle génération qui arrive et comment voit tu l’avenir de la pêche dans notre Pays ? MF : Les jeunes sont aujourd’hui un peu moins fonceurs
et ont moins de volonté pour se mettre à la mouche et surtout au montage des
artificielles ! Ils supportent mal les bredouilles répétitives qui les
déçoivent rapidement, car ils sont pressés d’atteindre un niveau leur permettant
de bien assimiler les gestes et la technique, ce qui demande bien 2 saisons
…. et ils abandonnent … ! Le nombre de pêcheurs en France diminue nettement, alors qu’aux USA 6 millions de moucheurs fréquentent les rivières !! NG : j’ai été très honoré de te recevoir sur ce Blog Michel, il
y a des gens dans la vie qui sont à part, qui touchent plus que d’autres, tu
en fais partie par ta sincérité, ton humour, ta gentillesse, ta sensibilité
et l’amour que tu portes à la vie et ta passion : la pêche à la mouche. MF : j’espère ne rien changer car je suis toujours heureux de partager avec vous, que ce soit au bord de l’eau ou au cours de diverses manifestations…..alors à très bientôt Ne change surtout pas Michel, on t'adore comme ça Vu la qualité de l’invité, j’ai eu le désir de recueillir sur lui l’avis
d’ une personne également hors du commun .et mon choix s’est porté naturellement
vers Jean Pierre Guillemaud ……plus connu sous le nom de Piam…. NG :Piam, raconte nous ta première partie de pêche avec Michel. Piam : La première fois que j’ai emmené Michel en Mongolie,
j’ai un peu honte de dire que j’avais bêtement quelques soucis… NG : Michel Flenet est connu dans le pays et même au-delà de nos frontières comme un monteur de mouches hors pair, mais je pense que c’est plus que ça non ? Piam :Bien sûr, Michel n’a pas son pareil pour fabriquer une artificielle. C’est évident et là encore son sens de l’observation et son souci du détail sont inimitables. C’est son sixième sens à lui qui lui confère tellement de choses que nous ne pouvons pas comprendre. Bravo Michel pour tes souris et bravo doublement pour toutes ces mouches « gadget » qui nous amusent tant et qui prennent « en plus « des poissons.
NG : Je sais que l’exercice est difficile, mais si tu devais résumer Michel en quelques mots? Piam : Définir Michel, ?? Il faudrait écrire un livre !! .On
peut dire que chacune de ses émotions est vécue au centuple et qu’il communique
tous ses sentiments avec émotion, ce qui le rend tellement sympathique et touchant. Tu as raison Michel .Ta philosophie de la vie devrait être un exemple pour nous tous, tout comme le respect immense que tu voue à tes compagnons de jeu : les poissons. Que la vie te conduise encore longtemps sur les rives des plus belles rivières du monde, tu le mérites bien. Et si tu penses que ton ami Piam n’est pas encore un mécréant, j’aurai plaisir à être le plus souvent possible avec toi. J’ai pris énormément de plaisir a réaliser cette interview. J’ai reçu deux géants de la pêche à la mouche alors merci à vous deux Michel et Piam et à bientôt sur les berges d’une des belles Francomtoise…………. Un grand hommage des chevaliers de l'archisèche pour ses 50 ans
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