Jean
Louis Pelletier
Les nouvelles du Moulin
L'auteur: Né dans l'Oise
en 1925, DCD en 1992 à 67 ans d'abord ajusteur à la SNCF, cet
autodidacte devenu ingénieur fut un spécialiste européen des ultrasons
et professeur à l'école des Arts et métiers de Paris, mais il fut également
un grand pêcheur à la mouche d'après guerre et un pilier de l'association
TOS où il entra en 1970 pour y défendre la nature et particulièrement
les rivières à travers le droit de l'environnement dont il était devenu
également un spéciaiste !
Il collabora à de nombreuses
revues de pêche dans lesquelles furent publiées ces nouvelles réunies avec bonheur
dans cet ouvrage! Il fut en 1972 le co-auteur avec B Audouys du petit livre
"je monte mes mouches en 15 leçons " qui me guida pour mes premiers montages et
dont la qualité le révéla au monde des moucheurs, tout comme ses autres écrits
sur la pêche au coup en 1958, la pêche en noyée en 1977? technique dont il représente
une "référence" et en 1982 "pêche à la mouche sèche"!
Il fut également l'auteur de plusieurs articles sur la bas de ligne "mathématique"
dans lesquels il détaillait et mettait en application les lois physiques présidant
à son déploiement optimum..! Défenseur
opiniatre de l'environnement , fort en gueule, il fonda au sein de TOS une commission
"Pollution et nuisances" et poursuivit lui même avec succès
les contrevenants sans l'aide d'avocats!
Il
aura eu la puissante stature d'un homme simple et humble qui parlait franc et
droit! Mon opinion:.!
L'ouvrage est un recueil de très courtes petites anecdotes de pêche et de voisinage
"au quotidien" autour du moulin breton propriété du narrateur... quand les truites
encore nombreuses montaient sur des bas de ligne de 22%..., autant de témoignages
nostalgiques d'une époque révolue victime de la modernité redoutée à juste titre
cet écologiste avant l'heure, qui s'est bien battu depuis son moulin à eau...contre
des "moulins à vent" qui ont évidemment et malheureusent gagné! Sans atteindre
la truculence d'un Fallet ni le lyrisme et l'humour déjanté d'un
Voelker , c'est sincère, "sui generis", frais et bucolique à
souhaits, très facile à lire même "dans le désordre"....pour un réel plaisir
au bord de l'eau et en hommage à la personnalité de l'auteur excellent pêcheur
, excellent technicien (Cf ses bas de ligne "mathématiques) et inlassable défenseur
de la nature ...! *********************
Extraits Le
puriste Je le rencontre pour la première fois: son costume élégant,
ses manières aisées, son langage châtié, sa canne en refendu signée d'un bon faiseur,
son large sourire le rendent sympathique. Après de banales politesses, nous abordons
le problème des divers modes de pêche. Il s'en suit une longue tirade où tout
y passe: "lancer = quincaillerie, vers = destruction, insecte = mesquinerie,
etc.. - Moi, monsieur, je ne pêche qu'à la mouche, je suis un pur,
jamais vous ne me verrez au bord de l'eau avec un autre appât. Très heureux
de cette affirmation, je continue sournoisement mon petit examen. Après les modes
de pêche, nous en venons aux mouches. Je comptais ne voir dans les boîtes de mon
interlocuteur que des mouches sèches. Quelle erreur ! Au fond, de nombreux casiers
figuraient: des mouches "vairons", des mouches "à hélice", des mouches "larves",
des mouches "nymphes", des mouches "noyées" ! Je posai insidieusement cette question:
"Considérez-vous un vairon comme une mouche ?" J'avais mis dans le mille.
- Monsieur, la pêche au vairon est une pêche de braconnier, il n'y a rien de
tel qu'un bon vaironneur pour vous vider une rivière. Mais à la mouche "vairon",
ce n'est pas pareil, je n'ai qu'un hameçon simple sur ma mouche et ne blesse pas
les petites truites. - Alors, si je pêche au vairon naturel avec un hameçon
simple, je suis dans les mêmes conditions que vous? - Mais vous n'avez
pas compris, pour cette pêche, je me sers de mon matériel mouche et d'un leurre
qui est ma "mouche vairon". - En employant le terme de "mouche vairon",
vous me faites penser aux pêcheurs au coup avec leur "plume en porc-épic" et aux
mécaniciens avec leur "cheval vapeur" et leur "paille de fer". Une mouche est
une mouche, un vairon un poisson, une petite bête une larve, une mouche à hélice
de la quincaillerie. - Oh ! cette fois, vous allez trop loin, ce sont quand
même des leurres que l'on lance avec la canne à mouche. - Bien, pour vous,
c'est le matériel qui détermine le mode de pêche! Pouvez-vous me dire comment
vous appelez un pêcheur à la mouche qui pêche au ver avec sa canne à mouche?
- C'est impensable, c'est un non-sens, vous envenimez la discussion, je ne
dirai plus rien. - Eh bien! je vais conclure. Les termes mêmes qui définissent
notre mode de pêche sont assez explicites en eux-mêmes. "Pêche à la mouche" c'est
tout dire, et pêcher avec autre chose qu'une mouche naturelle ou artificielle,
s'appelle "pêche à la larve, au vairon, à l'asticot, à la quincaille". -
Assez je vous l'accorde, je ne suis pas un "pur", je ne suis qu'un pêcheur qui
prend du poisson à l'aide de son matériel mouche. Vous avez raison, je n'avais
jamais envisagé le problème ainsi. ................. Etats
d'âmes Elle arrive sur le flanc, ma mouche, ma petite,
toute petite grise, bien plantée dans la barrette. Son œil me regarde sans haine,
plutôt surpris et c'est la terreur: «L'homme est là.» . Un grand frisson la secoue
et elle repart, tente vainement de sonder les herbes, je la tiens ferme, bien
sur le raide. Je ressens chacun des ses à-coups jusque dans le creux de la main.
Puis, elle monte vaincue, la bouche ouverte. Je m'accroupis dans la végétation,
la saisis juste derrière les opercules et la dépose doucement dans le trèfle.
Ma main gauche monte sur son dos, le pouce de ma main droite s'introduit dans
sa gueule. D'un coup sec je lui casse le cou. Un frémissement, une caudale qui
s'agite et cette merveille de la nature a cessé de vivre. Le sang coule par les
ouïes et la gueule, je retire mon pouce tout strié et entamé par ses dents pointues
comme celles d'un jeune chat. La nausée au cœur je la lave au fil de l'eau. Quelques
poignées d'herbe sur un chiffon blanc voilà son linceul. Le vert de l'herbe fait
ressortir ses couleurs. C'est la belle grosse blonde Normande au profil de carpe,
au ventre doré, au dos ardoise, le tout tacheté d'une éclaboussure de sang corail.
Pourquoi ai-je détruit? De quel droit? Parce que je l'ai leurrée.
J'ai utilisé toute mon intelligence, tous mes dons, pour en arriver là. Dire que
je ne la mangerai même pas. Aujourd'hui, cela me fait vraiment quelque chose,
j'ai envie de la ressusciter, je n'ai plus le goût à pêcher. D'ailleurs, depuis
quelque temps je pêche mal, sans sentiment, je repêche comme il y a 20 ans, en
tueur, avec une bien meilleure technique. L'échec ne me stimule plus mais me lasse.
Je suis dans une période folle où j'aime et je déteste à tour de rôle
ce poisson qui fait partie intégrante de mon plaisir de vivre. J'ai du mépris
pour cette truite en poste que je sais prendre au premier posé, et de haine pour
cette petite dédaigneuse qui monte n'importe où toutes les 5 minutes. J'aime,
par contre, j'adore la belle du virage qui prend sa mouche à elle, à un centimètre
de la mienne, et va se cacher au deuxième jet. J'aime aussi celles du grand
plat qui prennent d'invisibles spents ou de petites larves. Elles m'obligent à
vider toute ma boîte. La nuit arrivée, j'atteins au plaisir suprême quand
je leurre malhonnêtement deux ou trois étourdies en draguant un gros sedge à demi
immergé. C'est d'avoir trompé, et surtout d'avoir trompé deux fois qui me réjouit. Peut-être
un bon psychiatre trouverait dans ce comportement bien des complexes de jeunesse.
Le
coq et le boulanger On a volé le coq gris de Marzin ! La
nouvelle n'a pas mis dix minutes à faire le tour du canton. Un œuf ramené d'Espagne!
Couvé par une poule naine ! Un coq de sept ans! vous vous rendez compte! C'est
le boulanger qui a donné l'alarme. Ce matin, Cocorico n'était pas là au moment
du coup de balai dans le fournil. Tous les jours cette sale bête traversait la
route pour picorer les miettes, en réveillant tout le quartier de son chant criard.
Dès le lever du jour une battue s'est organisée. Heurté par une voiture; il a
dû aller crever dans un fossé ou un fourré! Chaque pêcheur espère le retrouver
même mort, car Marzin ne manquera pas de lui octroyer quelques belles lancettes
de cet incomparable gris-bleu qui faisait la réputation de Cocorico. A neuf heures
les recherches se terminent au café du coin surun échec... A midi, le pain
vendu, le boulanger reçoit ses clients derrière son comptoir.Il a triste mine,
ce coq faisait partie de son univers. On sent qu'il réfléchit. Quel est celui
qui a pu faire cela? - Un touriste? Pas à cette heure, je l'aurais entendu.
-Job? Oh non! ne court pas assez vite. - Le fils Roudouallec ? C'est
qu'il est vicieux ce sale gamin, voleur de fruits. L'année dernière, il m'a vidé
ma réserve à vairons. Il faut en parler à l'instituteur pour qu'il interroge ses
élèves. A deux heures la bombe éclate, une lettre anonyme
a été déposée dans la boîte de Marzin ; «Le coq est chez le cocu.» Alors, toujours
au café du coin, chez le boulanger, qui maintenant est couché, on s'interroge.
Pas facile d'énoncer les cocus, tout le monde se regarde en souriant bêtement.
Certains, vexés, haussent les épaules, paient hâtivement et s'en vont. lls restent
à trois... célibataires. Trois vieux garçons de plus de soixante ans. A
dix-neuf heures le boulanger est debout, autour du comptoir, l'ambiance est
revenue et le coq presqu'oublié. Demain c'est la fête de la chasse, tout le comité
est là. A 22 heures le boulanger s'excuse, le pain n'attend pas. Dix
minutes après il apparaît tout blanc, comme roulé dans la farine. Sous son
bras aussi blanc que lui, Cocorico qui, coincé entre deux sacs, était bloqué là
depuis le matin. Qui a mis le mot dans la boîte aux lettres de Marzin ? Pas moi,
pas moi, pas moi... Pas moi. On
ne saura jamais qui, mais depuis ce jour le boulanger surveille sa femme. B.Audouys
et JL Pelletier: Je monte mes mouches en 15 leçons (SEDETEC
1972-PEL 1979) lLe
livre:reLe livre
Excellent petit ouvrage à l'intention du "tout débutant".....avec
lequel j'ai débuté le montage de mes toutes premières mouches.......
Mon opinion: Il
ne "paye pas de mine" mais sa simplicité et la clarté des explications et des
illustrations à propos du montage des quelques "mouches principales" en fait un
instrument idéal pour le tout débutant.....qu'il prend par la main pour ses premiers
pas...! Absolument nécessaire, et totalement suffisant...pour débuter et donc
remarquable à ce titre, bon marché à l'époque de sa publication
à mes débuts..introuvable actuellement..mais qui sait..??.!! |