James Prosek: le bel inventaire des truites
Éditions : AUBANEL Paru le 27 août 2004

(Titre original : Trouts of the world)

 

LE LIVRE:  224 pages Format : 25,4 x 17,8 cm Poster à l'intérieur du livre, texte et illustrations de James Prosek:


                                                                                         "Trout " réunit soixante-dix aquarelles hyper-réalistes, accompagnées chaque fois d’un texte de présentation du salmonidé. Une oeuvre liant art et science.

 

 

L'auteur:
James Prosek, né le 23 mai 1975 , a déjà pêché assez de cours d’eau et parcouru de pays pour rivaliser avec les plus grands noms de la pêche. Quant à son oeuvre écrite (1), elle voisine outre atlantique avec les best-sellers et jouit des honneurs et des louanges de la presse halieutique et généraliste réunies

James voue à la pêche une véritable passion " Fishing is my religion, trout stream is my temple ". Dès son plus jeune âge, les parcours pêchables autour de la maison de ses parents ( Seattle, Connecticut) n’ont aucun secret pour lui. Pêchable ou non d’ailleurs, car son territoire de chasse favori est le réservoir naturel d’eau douce de la ville où la pêche est strictement interdite. Jusqu’à ce qu’une de ses escapades clandestines, soit interrompue par l’arrivée inopinée du garde. Refusant de fuir en se jetant à l’eau comme le fait son camarade, il préfère faire face aux évènements. Il a alors quinze ans et cette rencontre va orienter sa vie.

Reconnaissant sans doute le jeune pêcheur enthousiaste qu’il avait été autrefois, Joe Haines préfère la leçon au procès-verbal. Il lui explique qu’il y a autant de plaisir, sinon plus, à pêcher de façon légale, qu’illégale et l’invite à une première partie de pêche. Une véritable amitié verra le jour entre le petit garçon et le vieux Ranger. Elle les conduira à pêcher ensemble l’omble de fontaine et la Brown Trout, les arcs et les saumons d’eau douce du lac Ontario. Cette complicité sera le sujet du livre, " Joe and me ". James y relate la rencontre, les parties de pêche et surtout les leçons de son maître et ami. Le livre est accompagné de magnifiques aquarelles de l’auteur. Car James est non seulement un passionné de pêche, il est aussi et surtout un peintre animalier de talent. C’est son premier livre, " Trout, an illustrated history " (2) qui le révélera à la presse et au grand public.


James n’a pas encore vingt ans lorsque fouet à la main, il arpente les moindres rivières, torrents de montagnes, lacs et étangs saumâtre, jusqu’aux plus petits cours d’eau du continent nord américain, cercle arctique compris. Il y pêche absolument tout ce qui porte une nageoire adipeuse, et en esquisse un croquis rapide avant de rendre son modèle à son élément naturel. " Les " truites " arc-en-ciel - oncorhynchus - natives de la côte ouest ont développé des souches ultra localisées aux couleurs flamboyantes, populations malheureusement très fragiles, menacées par les déversements intempestifs d’arcs " communes ". James est allé pêcher les coins les plus reculés, véritables réserves génétiques pour nous faire découvrir au fil des pages leurs robes magnifiques. Des poissons aux noms magiques : truite apache, truite paiute, truite mexicaine, golden trout, c’est un véritable plaidoyer pour leur conservation. Elles côtoient dans le livre, les différents saumons, atlantique et pacifiques (coho) et toutes les sous-espèces d’ombles de fontaine, souches sédentaires et anadromes comprises. Le New-York Times le baptisera " le Audubon du monde des poissons " du nom du dessinateur animalier culte qui consacra sa vie à dessiner les oiseaux du continent américain.

Mais la pêche ne détourne pas James de ses études car il réussit en même temps son entrée à Yale, une des plus prestigieuses université d’Amérique du Nord. Même l’extrême sévérité et la sélectivité de l’université n’arriveront à calmer les ardeurs halieutiques de notre jeune prodige. Non seulement il profitera de son séjour pour pêcher les cours d’eau environnants, mais il présentera au très sérieux cloître des professeurs une demande de bourses ... pour aller pêcher les chalk streams anglais. Quelques truites offertes, l’excuse d’une étude sur la vie d’Isaac Walton présent dans la bibliothèque universitaire et surtout la perspective d’ajouter au prestige de l’université un nouveau livre écrit par un de leurs élèves, finiront par séduire les très sérieux professeurs. Riche de sa seule bonne foi et de sa passion, James Prosek débarque alors sur les cours d’eau les plus privatisés et les plus chers de la planète. Là encore, la passion ingénue de James fera à nouveau des merveilles et les jaloux propriétaires lui permettront de suivre les traces que l’admiré Isaac Walton avait laissées trois cents ans plus tôt.

Le livre qui naîtra de cette expérience " Un Yankee sur les pas de Walton : The complet angler " connaîtra aux Etats-Unis un succès fulgurant. James y décrit, souvent avec humour, non seulement la pêche des lieux mythiques qui donnèrent naissance à la forme moderne de notre sport préféré, mais il y révèle aussi, la vie d’Isaac Walton (3) , de son époque tourmentée et de ses passions pour les lettres, la religion et la pêche. Une chaîne de télévision américaine prépare une version filmée de ce livre.

" Latitude 41 ", l’amena à parcourir le monde, toujours accompagné de sa fidèle canne à mouche. La latitude 41 qui passe juste devant chez lui, traverse l’Europe, la Chine et la Corée-du-Nord, lui a servi de chemin virtuel pour partir à la recherche de toutes les truites vivants sous ce parallèle. Secondé cette fois de Johannes Schoeffmann, autrichien et boulanger de son état, avec qui il partage la même obsession pour la gent aquatique. La spécialité de ce dernier, lorsque le poisson se refuse à mordre : se jeter à l’eau par n’importe quel temps et capturer à la main les exemplaires qui serviront de modèles. Le récit accompagnant les aquarelles est tout aussi passionnant car pour satisfaire ses recherches, James a traversé des territoires en guerre et des pays où les truites ne sont pratiquement pas pêchées, des belliqueux Balkans jusqu’au désert de Gobi en Mongolie en passant par les minuscules cours d’eaux montagneux de Hokkaido au Japon. Malheureusement, le plus souvent il n’a pu que constater la disparition du cours d’eau vanté par les voyageurs des siècles passés. Le premier texte décrivant une scène de pêche à la mouche nous le devons à Claudius Aelianus, qui, en l’an 200 de notre ère, explique comment des macédoniens pêchent des poissons tachetés dans la rivière Astreus, à l’aide d’hameçons recouverts de plumes couleur de cire et de laine rouge, très certainement l’ancêtre de notre Red Palmer. Ce cours d’eau a fait place à un vaste lac artificiel, mais James découvrira le petit ruisseau où demeurent encore quelques spécimens sauvages (trutta dentex). Artiste jusqu’au bout, ils seront capturés avec les mouches décrites par le naturaliste romain. Dans le nord de la Turquie sur une route habituellement déserte, James sera obligé de céder le passage à une colonne d’une centaine de chars rejoignant la ligne de front du Kurdistan où les combats font rage. Un officier à la mine sévère, presque aussi jeune que lui, fait comprendre à James qu’il veut savoir ce qu’il vient faire dans cette région reculée. Réponse : "Alabalik", la truite, c’est tellement logique. C’était de toute façon le seul mot qu’il connaissait en turc!

Joan Miquel Touron

 

 

1. Je vous convie chaleureusement à visiter le site de James Prosek sur Internet et à visionner cette superbe vidéo

2. Truite est à prendre au sens générique que lui donnent les Américains, synonyme de salmonidés.

3. Auteur de " The complet Angler " livre de pêche qui connut 400 rééditions en trois siècles, un record battu seulement par la Bible