Ch. Regismanset: Confesssion d'un pêcheur

(1922)

 

Le livre :

Publié en 1922 en 980 exemplaires(ici le N° 674) , il est aujourd'hui quasiment introuvable alors que les autres nombreux écrits "hors pêche" de cet auteur prolixe se trouvent encore facilement!

 

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L'auteur : philosophe Français né en 1877 dcd en 1945 avait 45 ans lors de la sortie de ce livre

 

Mon opinion:

Il s'agit d'un recueil de simples anecdotes de pêche ...carpe, gardon, truite, tanche, brochet,anguille....rien qui sorte de la banalité quotidienne ..mais racontées dans un style élégant tout en fraicheur et simplicité .....l'ensemble est reposant et délicieux, à l'image des écrits de De Boisset, "Ecrit le soir' " et "Plaisir des jour".......et sa légèreté ne peut laisser entrevoir le sérieux et la gravité des autres écrits de cet homme de lettres très "occupé" par une vie trépidante qui devait trouver au bord de l'eau son havre de repos ....comme il l'exprime d''ailleurs clairement lui même:

 

                                                                                                                               Extraits

"L"hiver s'écoule sans que je pense beaucoup. - hélâs ! je n'en ai point le temps ! -à la pêche, à ma nouvelle passion. À la fin de mars, cependant,. je traverse la crise de l,homme enfermé, de l'homme qui vit en vase clos et qui, un beau matin, parce qu'un rayon de soleil hésitant est venu lécher le rebord de sa fenêtre et parce qu'un petit coin bleu azure le ciel, réfléchit soudain et prend conscience de sa vie misérable sans lumière ni horizon. Je respire profondément : mes poumons ont besoin d'air. Mes yeux fatigués réclament une autre perspective que celle des toits noirs qu'empanache la fumée rousse des cheminées... De I'air, de la lumière; seule, la pêche peut restituer cela, momentanément, au prisonnier que je suis...............

Juillet meurt. Août lui succède et les jours passent trop vite à mon gré, touiours mêmes, toujours différents. Car, ce néant qu'est la vie du pêcheur est traversé de mille péripéties qui en font une pièce d'intérêt sans cesse renouvelé, aux cent actes divers. que de choses ! Que de gestes ! Que de musiques ! Àrpèges du bIé cuit lancé dans l'eau pour l'amorce et dont chaque grain donne sa note quand il vient heurter la surface de l'eau. Stridences des abeilles qui « violonnent » à l'approche de l'orage. Eclairs des libellules enamourées formant leur anneau vénusiaque et promenant leurs saphirs et leurs émeraudes aux corolles d'or des iris d'eau. Puis, le va-et-vient comique des ciseaux, ces insectes qui marchent sur l'eau en proie à une folie de skatins et qui, par instants, dansent bizarrement sur la tête comme de grotesques derviches.,. La petite comédie enoore de la libellule installée au bout de la plume, et qui lors de la touche, vacille et reprend son vol, surprise et iritée... Enfin, à la nuit tombante, le vol de grands papillons dont les coups d'aile veloutés effleurent le pêcheur attardé, annonciateurs des ténèbres...

Mauvaises heures ! Ce jour-là, temps gris et froid, des nuages et du vent, et déjà aux feuillées, quelques teintes rousses annonciatrices de l'incendie d'or et de rouille dont se vêt la nature par une coquetterie ultime avant le sommeil de l'hiver. Journée morne où ma seule distraction fut la contemplation du vol des étourneaux arrivant de l'horizon en masses compactes, puis, se formant en carré, en triangle, enfin, s'effilant en mince et long ruban et exécutant dans le ciel gris une extraordinaire farandole.

                         

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"La rivière coule, sombre, dans le crépuscule. Pas un bruit. Un vaste silence emplit la campagne. Le soleil meurt. Et, soudain, sur I'eau qui fuit, les éphémères apparaissent. Par centaines, par milliers, ils éclosent, petites taches blanches qui fleurissent la pénombre de minuscules étoiles hésitantes. Alors, les truites qui étaient demeurées tout le jour cachées dans leurs repaires sous les berges ou bien à I'abri des herbes, des grands « guenilliers » de la rivière, les truites sautent. Et le pêcheur qui a attendu durant des heures ce moment est troublé par tous ces êtres mobiles surgissant del'ombre, par tous ces bonds, par tous ces « ploufs ! » sonores. Il sait que c'est l'instant bref et magique où sortent les grosses pièces, les solitaires qui viennent se mêler à la danse générale. L'émotion, la convoitise le rendent nerveux. Il veut « trop prendre ». Il prend quelquefois, mais aussi, parfois, ne prend rien ou brise sa ligne. Et, brusquement, tout s'apaise : plus d'éphémères, plus de truites. Le silence redevient plus lourd et, dans la nuit qui tombe,le pêcheur, heureux ou déçu, quitte les rives qui s'estompent dans la nuit et l'eau qui fuit éternellement.".

Si vous le trouvez, n'hésitez pas.....