Denis Rigal

          Eloge de la Truite
                        (Ed Apogée 2013)

 

       Le livre:Il s'agit d'un recueil de très courtes nouvelles, réflexions et commentaires relatifs

              à la pêche dans ses techniques des plus académiques aux plus rédhibitoires, de la main à la fourchette sans oublier le sanglon ni l'épervier

              aux pêcheurs de tous poils, du plus honorable au plus contestable, braconnier ou curé, voire les deux à la fois...,en passant par Isaac Walton lui même..qualifié de "pêre la vertu" en raison de son "angélisme" irréaliste...

              et aux poissons de toutes natures avec la truite et ses points rouges en "point de mire"  

 

                                                

 

 

    L'auteur: rien à rajouter au quatrième de couverture

 

                                                                                           

si ce n'est cet article du Télégramm

 

                    Mon opinion :

        

La langue parfaite, le style léger, la justesse de la pensée ( refus de l'anthropomorphisme à l'égard de la truite, critique de l'angélisme de Walton...) l'humour et l'autodérision omniprésents font de cet écrit relatif à la pêche, un des trop rares ouvrages contemporains de grande qualité (mais où sont les neiges d'antan...De Boisset, Fallet..Voelker..et tant d'autres?) plein de fraîcheur et qui se lit avec un sourire permanent..

*********

EXTRAITS

....arrêtez-vous de pêcher, écoutez les oiseaux, herborisez, regardez couler l’eau qui vous regarde, qui vous fait naître et vous efface, qui est votre mesure. »

***********

"On ne connaît pas de cas de gâtisme chez la truite; elle vit constante, meurt soudain, et ne se dégrade pas. Tel est le sort enviable qu'une mystérieuse bienveillance réserve aux meilleurs, ou aux plus chanceux (si cela n'advient pas trop tôt) : mourir au bord de I'eau, tout d'un coup, sans longue douleur ni déchéance.

Ainsi ce vieux pêcheur qu'on retrouva, le cæur détruit par un infarctus, dans un chaos de gros galets au bord de l'Ubaye. Au moment du départ pour la cérémonie, un enfant de la famille s'avança pour déposer sur le cercueil non pas une fleur mais un dessin qu'il avait fait: une truite avec ses beaux points rouges et noirs.

Je suppose qu'en grandissant, si c'est grandir, cet enfant est devenu médiocrement bête, comme vous et moi... mais à six ans, il avait tout saisi".

************

En fait, l'identification se fait le plus souvent dans le mauvais sens : au lieu de se "truitifier" , l'homme humanise la truite et lui prête des atti-tudes, voire des sentiments ou des raisonnements dont elle serait bien incapable.

**********

"J'ai longtemps pensé que si l'on entreprenait d'écrire sur la pêche, il fallait d,abord saluer ces pères fondateurs que sont lzaacWalton et Charles Cotton, son ami et fils adoptif. Je ne le pense plus.
Ces parfaits techniciens, tous deux, Walton surtout, s'imaginent et tentent de faire croire que la pêche mène à la vertu par la contemplation tranquille de la divinité.
Walton promène ses pêcheurs dans un décor de pastorale où ils croisent des fermières jeunes et jolies, mais si vertueuses qu'on s'en désintéresse assez vite; tout y est net et propret; rajoutez quelques rubans au cou des moutons et nous serons au bord du Lignon d'Honoré d,Ur{é.
Or, la vertu de Walton n'est pas sans failles, on le verra, et sa religion est d'une grande fadeur.Ce qui fait la vérité de la pêche : l'odeur de l'eau, le frisquet de l'aube, les couleurs et le toucher de la truite, l'émotion, I'imaginaire, le sentiment archaïque d'appartenir au même monde que le poisson que l'on recherche et d'en être pourtant irrémédiablement différent,
tout cela est absent de la conception de Walton; on finit par se dire que son dieu n'a rien compris à sa propre création."

..