L'enfant et
le Rossignol
L'oiseau laissé
pour mort par quelque chat qui s'était amusé avec lui ne formait plus
qu'une boule de plumes ébouriffées gisant au milieu du chemin.
Un enfant qui passait par là
s'en émut et le ramassa précautionneusement entre ses mains. La vie
n'avait pas quitté le petit animal et, aussi ténu fut-il, ce souffle
divin justifiait les efforts du gamin à ne pas le laisser périr. Murmurant
entre ses doigts ces mots que seule une mère dit à son enfant, il insuffla
assez de souffle vital au petit oiseau pour espérer l'entendre chanter
à nouveau
Les jours passaient
et, tous au village, lui disaient qu'il était vain d'insister et que,
hélas, le petit oiseau mourrait. L'enfant s'entêta et, contre toute
attente, ses bons soins eurent raison des morsures du chat.
Quand l'oiseau se redressa,
prêt à s'envoler malgré sa grande faiblesse, l'enfant redoubla d'attentions
et construisit une volière de bois afin de le protéger des dangers.
Il la fit assez vaste que pour lui donner un sentiment de liberté et
assez légère que pour pouvoir la transporter.
Partout où le gamin se rendait,
l'oiseau dans sa volière l'accompagnait et, tandis que l'enfant déambulait
dans le village portant sa volière à bout de bras, tous le félicitaient
de tant d'abnégation et proposaient le peu qu'ils avaient à offrir afin
de l'aider : — Comment se porte ton oiseau aujourd'hui ? Veux-tu quelques
grains pour le nourrir ? Prend ces chaumes pour lui construire un nid...
Certes, les temps étaient durs mais, jamais l'enfant ne se serait résigné
à abandonner son compagnon et les villageois de s'unir pour le secourir.
Avec le temps l'oiseau teprenait
des forces et tandis qu'il sautillait gaiement entre les barreaux de
sa cage, il se sentait profondément reconnaissant envers l'enfant de
lui avoir sauvé la vie. Ils devinrent inséparables et apprirent à s'apprécier
autant que deux amis.
Tous deux savaient pourtant
que le jour viendrait où l'enfant ouvrirait la volière pour permettre
à l'oiseau de s'envoler aussi, se sachant redevable de tant de bontés,
le rossignol conçut l'idée de lui apprendre à chanter.
Par un beau matin ensoleillé,
alors que l'herbe était encore toute imprégnée de rosée, le rossignol
perça l'air d'une trille d'une inconcevable beauté. L'enfant surpris
regarda son ami et tandis que celui-ci hochait et inclinait la tête
de gauche et de droite pour mieux observer l'enfant d'un œil unique,
il redoubla sa trille pour bien le convaincre que ce chant venait de
lui. Timidement, l'enfant sifflota entre ses dents, tentant de reproduire
les quelques notes magnifiques. A chaque fois l'oiseau répondait, emmenant
l'enfant de plus en plus haut sur chacun des échelons de la pureté.
De ce jour, l'enfant et l'oiseau n'eurent de cesse de dialoguer. A chaque
fois que le rossignol chantait, l'enfant sifflait et à deux ils composaient
le plus charmant des hymnes à l'amitié. L'apprentissage prenait du temps
mais l'oiseau s'y consacra pleinement.
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Version originale
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Mi-mi-mi-mi-mi-sol, chantait-il
, et l'enfant lui répondait La-si-mi-mi-mi avant que d'échanger
d'autres pensées au travers des notes de la portée.
Un jour qu'ils s'en revenaient
tous deux de la récolte, la terrible nouvelle tomba ; l'un des
villageois avait succombé aux champs, mordu par un serpent. L'horreur
de la nouvelle secoua le village, on pleura le disparu, on aida
la famille. Comment feraient-ils pour récolter le fruit de leur
travail ? Le risque était grand de fréquenter les champs. Des
battues furent organisées pour capturer le redoutable reptile
mais le serpent était d'une espèce particulièrement malfaisante.
Petit et agile, il possédait un venin foudroyant. Vif, il se faufila
hors de portée de ses poursuivants. Les jours passaient, la récolte
s'en trouvait menacée. Tous devaient reprendre le travail et s'en
remettre à leur destinée. Les villageois n'avaient d'autre choix.
Le lendemain, le serpent mordit à nouveau et un homme mourut encore.
Il en alla ainsi durant plusieurs jours sans que l'on puisse se
saisir de l'assassin. La récolte prenait du retard, on craignait
le mauvais temps. Les gens tremblaient mais courageusement, se
rendaient aux champs.
L'enfant quant à lui,
y travaillait avec l'insouciance de la jeunesse, posant la volière
à même le sol et dialoguant tant et plus avec son oiseau. Alors
qu'il s'était éloigné de quelques pas, le discours du rossignol
s'emballa. Le chant de l'oiseau se fit pressant et l'enfant pensa
qu'il s'agissait de quelque nouvel enseignement. Les trilles succédaient
aux trilles et l'enfant y répondait tant et plus et fit du mieux
qu'il put jusqu'à ce que l'oiseau se soit tut. Intrigué par le
silence de son ami, l'enfant s'approcha de la volière et y trouva
le rossignol mort, tué par le serpent qui avait décidé d'en faire
son repas. Lové dans la cage, la mâchoire distendue, le serpent
s'y était introduit en se glissant au travers des barreaux et
ne pouvait en ressortir, les mâchoires écartelées par la proie
qu'il tentait d'avaler. Rapidement on s'empara de la volière devenue
prison et on brûla l'épouvantable reptile responsable de tant
de malheurs. Et tandis que se consumaient la volière, le cadavre
de l'oiseau et le serpent assassin au milieu d'un brasier gigantesque,
tandis que l'enfant inconsolable pleurait la perte de son ami
et que se réjouissaient les villageois de la disparition du danger,
s'éleva d'entre les flammes du foyer, la réincarnation du rossignol
prisonnier du corps du serpent. La créature fabuleuse battait
des ailes, volait entre les flammes, se contorsionnait de son
corps de reptile avant que d'entonner un chant d'une si grande
majesté que tous en furent subjugués. Et tandis que la créature
multipliait les trilles, l'enfant traduisait ce qu'elle disait,
annonçant aux hommes que jamais l'animal fabuleux ne les abandonnerait
et que du haut des cieux, toujours, elle veillerait sur eux.
S'adressant ensuite à
son ami, le rossignol ainsi réincarné l'assura de son amour éternel
et en fit le dépositaire du langage des dragons, leur permettant
de dialoguer entre eux par-delà la mort.
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Yves
Deschuyter (clic droit)
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Avec
l'aimable autorisation de l'auteur, "pêcheur poète
s'il en est",version " soft" par un grand pêre
soucieux de préserver la candeur de
ses petits enfants
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Mi-mi-mi-mi-mi-sol,
chantait-il, Et l'enfant lui répondait — La-si-mi-mi-mi ! Avant
que d'échanger d'autres pensées au travers des notes de la portée..
Tous
deux allaient travailler aux champs .L'enfant posait la volière
à même le sol et, tout en travaillant, dialoguait tant et plus
avec son oiseau.!
Un
beau jour de printemps, alors qu'il s'était éloigné de quelques
pas, le discours du rossignol s'emballa. Le chant de l'oiseau
se fit pressant et l'enfant pensa qu'il s'agissait de quelque
nouvel enseignement. Les trilles succédaient aux trilles et l'enfant
y répondait tant et plus et fit du mieux qu'il put en revenant
à la volière ;
il
y trouva le rossignol qui chantait éperdument devant un serpent
qui s'était introduit dans la cage à travers les barreaux avec
sans doute de mauvaises intentions mais manifestement charmé par
le chant de l'oiseau il ondulait dressé sur sa queue et dodelinait
de la tête et semblait vouloir dire " continue, chante encore
"….
.et
l'enfant mystérieusement sentit que le moment était venu de libérer
son ami : il ouvrit la cage dont s 'envola alors une créature
fabuleuse réunissant les deux nouveaux amis en un seul corps,
un gentil dragon qui battait des ailes et volait en entonnant
un chant d'une si grande majesté que tous en furent subjugués.
Et tandis qu'il multipliait les trilles en s'éloignant l'enfant
traduisait ce qu'il disait, annonçant aux petits enfants que jamais
il ne les abandonnerait et que du haut des cieux, toujours, il
veillerait sur eux.
S'adressant ensuite à son ami, le rossignol ainsi réincarné l'assura
de son amour éternel et en fit le dépositaire du langage des dragons
en permettant ainsi aux petits enfants de dialoguer avec eux .....
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