Romilly Fedden  Golden Days

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                  Ici, c'était encore l'été,............. L'eau semblait en parfait état, à peine colorée d'un brun doré en queue de courant, là où les fonds se creusaient. .............Quel plaisir de regarder pêcher mon vieil ami et d'observer ses longs lancers impeccables. La mouche, posée avec précision, fouillait chaque coin et recoin susceptible de cacher un poisson, ou bien, adroitement maintenue au-delà du fort courant central, travaillait d'une manière séduisante.

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............La tirée tant attendue eut enfin lieu, bien après l'heure du déjeuner, sur un dernier lancer sous un buisson d'aulnes de la rive opposée; une vague s'enfla en suivant la mouche, et éclata pour laisser place à un saumon de neuf livres, frais monté et tout brillant, qui se débattait avec force éclaboussures.
Jamais je n'ai vu mon vieil ami aussi agité que ce jour-là pendant sa lutte avec un poisson. Visiblement il était inquiet; il transpirait abondamment et les rides aux coins de ses lèvres se crispaient et se creusaient. Les cinq minutes qui suivirent furent pénibles. Le saumon, mal accroché, plongeait, se tournait et battait la surface de l'eau pendant que Jean Pierre, debout sur la berge, le maudissait carrément dans un breton rauque. Mais ses gestes ne s'accordaient pas à ses dures paroles. Pas une seule fois, le poisson ne servit de souffre-douleur. Au contraire, il força le respect et l'attention, et quand il choisit de " glisser" en queue de pool, Jean-Pierre " glissa " aussi.

Dans un ballet endiablé, le poisson ruait et bondissait à sa guise, puis s'arrêtait pour secouer son museau, comme un chien qui écharpe un rat. À deux reprises, la ligne se détendit, à notre grand désespoir, mais chaque fois elle se raidit à nouveau. Pour finir, le poisson fit une embardée vers notre rive, puis resta un moment immobile pour réfléchir à la situation.

Sur un signe de Jean-Pierre, j'entrai lentement dans l'eau. Par chance plutôt que par habileté, je gaffai le poisson derrière l'épaule au moment où il se retournait... La mouche se décrocha pendant que nous le portions sur la berge... Nous le déposâmes avec tendresse parmi les fougères. Les mains de Jean-Pierre tremblaient encore. il s'essuya le front et huma une bonne prise de tabac. Quant à moi, j'allumai une pipe bien méritée avant d'ouvrir le sac pour en sortir vin rouge et poulet froid. ................

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...................... Jean-Pierre prit une mouche plus grosse et la lança dans l'eau sombre. Il pêcha jusqu'en bordure des taillis, puis remonta lentement le pool et recom- mença. Au milieu du pool, la ligne se tendit et cessa de dêriver, vibrant dans le puissant courant. Un ins-tant, je crus que la mouche s'était coincée sous un rocher immergê. Mais la ligne commença lentement à se déplacer, tandis que Jean-Pierre se pinçait les lèwes.

L'allure s'accêlérait et nous ne pouvions plus suivre le poisson vers l'aval, mais finalement il s'arrêta, à une trentaine de mètres plus bas. I1 « bouda », en pesant de tout son poids, au milieu de la rivière, avant que la tension constante de la grosse canne en greenheart ne l'oblige à remonter dans des eaux plus calmes. Alors le saumon lutta avec tênacitê en eau profonde sans jamais venir en surface. On ne voyait que la ligne tendue qui ridait l'eau en sifflant au-dessus des sombres profon-deurs.

Le saumon se réfugia enfin dans le trou le plus profond et refusa d'en bouger. La solide canne de greenheart n'y put rien, pas plus que les grosses pierres lancées près de son museau et, dangereusement, près de Ja ligne tendue à l'extrême. En désespoir de cause, je coupai une longue branche de coudrier sur la berge et y attachai un mouchoir blanc. J'entrai dans l'eau et poussai ma gaule enrubannêe aussi près que possible de l'endroit où se tenait le saumon. Ceci lui fit tout à coup reprendre ses esprits et)comme je revenais vers la rive en jouant des pieds et des mains, il monta bruyamment à la surface.

I1 entama alors un combat aussi acharné qu'inattendu. Le poisson avait le crépuscule pour lui et tirait, plongeait, bondissait au milieu des rochers. Je n'oublierai jamais le soupir de soulagement que poussa Jean-Pierre quand, enfjn, le saumon fut en sécurité sur la berge. J'ai vaguement le souvenir que ce n'était pas un beau poisson... Oui, un petit peu rouge, peut-être, et encore, n'était-ce point un reflet des dernières lueurs du soleil couchant qui s'attardaient encore dans le ciel ?

 

En tout cas il pesait dix- neuf bonnes livres............