JOHN WALTER HILLS Mes Saisons de Pêche à la mouche

 

 

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On dit fréquemment que les truites de la Test ne se défendent pas et , d'une façon générale , cette accusation est fondée .(....) Non , ce n'est pas cette succession de sauts énergiques et intrépides , ces ruées soudaines et désespérées auxquelles se livre une truite dans le nord du pays .Néanmoins , il m'est arrivé de tenir , souvent sur la Kennet , et à intervalles réguliers sur la Test ou l'Itchen , une truite en tous points aussi vaillante et indomptable que dans le nord .

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Tel fut le cas de ce dernier poisson . Une fois piqué , il ne fit pas la moindre pause , mais se lança tout droit dans une course effrénée vers l'amont , en filant de temps à autre en surface , le dos entier hors de l'eau . Je ne pouvais rien faire d'autre que le tenir sans excès , trembler et prier le ciel . Mais il poursuivit sa course , avec quelques fléchissements qui me donnaient l'espoir que je pourrais le faire revenir . Mais dés que je le bridais , il repartait en hâte dans une autre ruée irrésistible et puissante qui indique qu'on a affaire à un gros poisson . La ligne se déroulait du moulinet à toute allure, le poisson se trouvait à vingt-cinq mètres en amont et je m'étais avancé dans l'eau aussi loin que possible. Mon bas de ligne allait certainement rompre sous le poids de toute la soie.

Pour couronner le tout, je vis, à quelques mètres au-dessus de lui, une masse enchevêtrée de roseaux, d'herbiers flottants et de végétation morte, son repaire à l'évidence, qu'il avait décidé de regagner.

C'était maintenant ou jamais. Le 4X allait-il résister ? Il fallait risquer le tout pour le tout pour l'écarter de cette jungle qu'il connaissait si bien. Une tirée régulière, sans le moindre à-coup, qu'on relâche quand le poisson tire à son tour : il faut se décider à le détourner avant qu'il n'atteigne son repaire. Et juste en bordure, j'y parvins. Il se jeta en surface en fracassant l'eau d'une manière éprouvante, mais il avait maintenant la tête tournée vers moi, et une bonne tirée le ramena de quelques mètres en terrain plus sûr.

Je pouvais maintenant récupérer ma ligne aussi vite que je le souhaitais. Il redescendit, pas encore vaincu, car il s'élançait soudain et tournoyait, mais je savais qu'il me suffisait d'être prudent.

Juste devant moi, l'eau était profonde, tranquille et dégagée. C'est là que la bataille fut menée à son terme – et elle fut longue – mais enfin cette truite courageuse se rendit.