Vincent Lalu:  le sorcier de Vesoul: Henri Bresson Pêcheur de truites(dcd 23/08/2010)
                                                                              (Editions Balland 1980)
 

Présentation mars 1981 par le Rédacteur en chef de la revue

 

  

                                           

              

                                                                                              

Le livre:

    

   Le portrait "anecdotique" d'un pêcheur à la mouche sèche contemporain Franc-Comtois (Breuchin, Moselotte, Loue, Dessoubre, Doubs, Cusancin ....) hors du commun , né le 20 mars 1924, qui vécut de sa pêche depuis l'après guerre jusqu'à la loi Guillon interdisant la vente des salmonidés sauvages votée fin 1961...et ensuite de son magasin de pêche à Vesoul tenu aujourd'hui par son fils, ...et de la commercialisation de ses fameuses génériques: French Tricolore, Peute, Sauvage......!

L'auteur:

Vincent Lalu, journaliste halieutique est directeur de la publication de la revue "Pêches sportives"( et vient de publier "La femme truite" !)

 

Le "Sujet" (clic g)

Né à Vesoul en 1924, il avait perdu son pêre à 8 ans, avait découvert et déjà brillé adolescent dans la pêche juste avant la guerre puis avait fui le STO en 1942 , et après s'être enrôlé auprès du Général De Gaule, avait participé au défilé de la victoire à Paris avant de participer ensuite pendant 26 mois à la guerre d'indochine d'où il revint avec d'excellents souvenirs et....une tuberculose pulmonaire qu'il fallut opérer et pour laquelle il fut pensionné

Exceptionnel Pêcheur, en sèche exclusivement, de truites et d'ombres en Franche comté, il fut " l'inventeur " de la " peute", de la " french tricolore" et plus tard , dans les années 80, de la " sauvage" ainsi que de quelques autres qu'il commercialisa avec bonheur...mais surtout dont il se servit pour "mettre du beurre dans les épinards" puisque, professionnel comme la plupart de ses collègues de l'époque,                                                                                                                                                           

il prit et vendit pendant 9 ans en à partir de 1951, environ une tonne de poissons par an, soit 2650 poissons de 400 grammes en moyenne en 1955, à raison de 15 par sortie, avec une prédilection pour les grands lisses en plein soleil où personne sauf lui, ne prend de poisson!! Il commença à fabriquer ses mouches en 1955 à raison de la vitesse record de 35/h,

Négligeant la "mouche exacte" , adepte de la simplicité, il ne créera et ne pêchera qu'avec des mouches d'ensemble et considérera toujours que la recette du succès réside dans 50% de tactique, 40% de technique et....10% dans le choix de la mouche!!

 

En 1960 il ouvre un commerce d'articles de pêche dans un "chalet" près du pont du Durgeon en plein Vesoul , complètement vitré et l'où l'on étouffait en plein soleil, commence à commercialiser sa propre collection de mouches montées par quelques monteuses de la région, car la loi Guillon de 62 interdit la vente des poissons capturés ,et il faut bien vivre!

Il s'installe en 1965 dans un magasin plus grand tenu aujourd'hui par son fils Jean PAul après le décès de son père le 23/08/2010


C'était un défilé permanent de clients , certes, mais également de beaucoup de copains pêcheurs qui venaient la pour palabrer sur la pêche et le client que j'étais à l'époque se devait de s'effacer en attendant que "le Maître" s'occupe de lui!
C'est lui qui m'a vendu
mes deux premiers cous de coq, roux et gris, indiens sans aucun doute vu leur "petit prix" et leur qualité déplorable avec lesquels j'ai monté mes premières horribles mouches qui m'ont pourtant fait prendre mes premiers poissons derrière Ormoiche,
et mon premier étau, un "truc" atroce bricolé par ses soins à partir d'une pince chirurgicale de Péan à mors plats soudée sur une tige de métal noire.....bon marché également et qui fonctionnait je ne sais plus comment mais pas mal puisque je l'ai utilisé pendant 20 ans avant de le perdre avec toute ma boite de montage par ouverture intempestive de mon coffre de voiture lors d'un départ en vacances, (sur la route de Saint Jean d'Angély,......c'était un petit pupitre d'école maternelle de l'époque peint en bleu et jaune, si vous le retrouvez...!!)....et dont j'ai retrouvé la réplique avec une certaine émotion dans les mains de son compère et fidèle compagnon de pêche parrain de la "Peute", Michel Goux quelques 30 années plus tard........!

Un ressort de rechange pour mon moulinet automatique Shakespeare, non sans avoir exigé, avant, de me voir lancer dans la petite ruelle qui longeait son magasin où sifflaient les soies à longueur de journée.....je fis de mon mieux , à l'Anglaise avec le poignet, coude au corps et immobile comme j'en avais l'habitude.......Mouais, pas mal dit le Maître qui avait le sens du commerce...mais je vais te faire gagner quelques mètres.....et il fila dans son magasin pour en revenir avec une lanière moire de chambre à air avec laquelle il fixa le talon de ma canne contre mon poignet...et me fit lancer poignet bloqué, bien forcé, mais coude décollé et mobile.. tu comprends me dit-il,si tu gardes le contact en ne pliant plus le poignet mais le coude tu gagnes les 30 cm de la longueur de ton avant bras comme bras de levier...et effectivement je gagnai 2m au premier lancer "à la Franc comtoise"....garde ce lien un mois et tu pourras ensuite t'en passer...dont acte....et je lance depuis ainsi, talon de la canne en contact permanent avec le poignet qui reste souple mais droit, comme le décrit Johann Wulf dans son bouquin célèbre "le lancer de la mouche"

Et ce bouquin de V Lalu à sa gloire....sans me laisser le choix!! As tu lu "mon livre?..benn..non.....bon alors prends le, me dit il en me le fourrant dans les mains sorti du présentoir,c'est tant...quand je vous disais qu'il était bon commerçant!!

Dans le droit fil de Halford, pour lui la mouche sèche est "la reine des pêches" et s'il a essayé la nymphe à vue une dizaine de fois au mois d'aout pour "expérimenter", il déclara: "C'est relativement facile et meurtrier. Cela ressemble autant à la pêche à la mouche qu'une fanfare de patelin à un orchestre symphonique!!"

Mon opinion

Récit pris "sur le vif" du parcours quand même particulier du "sorcier ", tellement "efficace" en sèche (à une époque où il y avait quand même plus de poissons et moins de pêcheurs qu'aujourd'hui!!) qu'il a été exclu de plusieurs AAPPMA sans pourtant avoir transgressé la légalité, et auquel on doit en plus la peute et la french tricolore!!
La première édition est épuisée mais depuis peu une réédition est disponible au prix de 15euros! ici

A posséder absolument!! Quand je pense que c'est lui même qui me l'a refilé dans son magasin de Vesoul en 1980...et que je n'ai même pas eu la présence d'esprit de le lui faire dédicacer.....mais on le voit fin mai....et cette fois....!

                                               

Extrait:

Goumois, le moulin du Plain...terrain de jeu du "sorcier"

La première question posée par tout habitué à son arrivée au Moulin est: «Est-ce que Bresson va venir?»
Et Pierre Choulet de mentir un peu pour entretenir l'espoir: «Oui, il est annoncé en fin de semalne... »

Quelques-unes des démonstrations de Bresson sont restées célèbres. Celle de la truite à vue m'a bien été racontée une dizaine de fois par des personnes différentes.

C'était à 3 heures de l'après-midi, en plein été et Henri, accompagné de six ou sept clients de l'hôtel, faisait une petite promenade digestive, canne à la main, histoire de faire passer le repas de midi qui avait été copieux et arrosé. Le petit groupe était arrivé à la limite du parcours mouche. Comme d'habitude on parlait pêche sans que personne ne s'intéresse trop au Doubs qui coule pourtant à quelques mètres de la petite route. D'un geste, Henri arrête la troupe: « Messieurs, est-ce que vous voyez cette bohémienne qui maraude à nos pieds? - Non, répondent les plus francs. Oui, disent les autres, qui n'ont pourtant encore rien vu. - Eh bien je vais vous montrer comment prendreune truite qui ne gobe pas, à 3 heures de l'après-midi, en plein soleil, sans me cacher et sans même fouetter. » Et de faire asseoir sur le bas-côté les six promeneurs qui ont enfin découvert la truite, une belle du Doubs de plus d'une livre.
Henri prend alors sa canne dans la main droite, sa mouche en bout de bas de ligne dans la main gauche et se fige, debout en haut du talus, les lunettes polaroïd sur les yeux, la casquette baissée sur les lunettes. La truite, elle, paresse au soleil, elle erre sans but apparent dans un rayon de cinq à six mètres. Chaque fois qu'elle lui tourne le dos, Bresson descend d'un mètre. Lorqu'elle fait volte-face, il est déjà figé, les yeux immobiles «très important les yeux, en les bougeant on peut faire fuir un poisson », la canne droite. Un dernier pas: le pêcheur est au bord de l'eau et la truite ne l'a toujours pas remarqué. Sur le talus les autres retiennent leur souille. Une traction sur le fil, le ressort de la canne propulse la mouche à un mètre cinquante du bord.
La petite French Tricolore se pose juste au moment où le poisson amorce son virage. Bresson n'a toujours pas bougé. La truite est maintenant tout près de la mouche. Un imperceptible mouvement du poignet et la petite touffe de plumes paraît soudain s'animer. Cela a duré un dixième de seconde. Assez pour que la truite se rue sur la mouche et l'avale.

« Pendue! » Le cri est sorti de six poitrines à la fois. Henri Bresson rigole. « Vous voyez qu'il n'est pas nécessaire d'attendre le coup du soir pour faire sa pêche!!

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Décédé le 23 aout 2010 à Vesoul, une stèle en son honneur a été inaugurée le 29 juillet 2012 au bord de l'Ognon à Melisey

      

 

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                                         Vincent Lalu:La femme truite-Le coup du soir et autres histoires de pêche
                                                                                       ( 2009-Quai des plumes-La vie du rail)

                                                            

Je viens de le recevoir juste à sa publication, commandé à "la vie du rail" pour 29 euros!!

J'ai affiché le quatrième de couverture car il est simplement descriptif sans adjectifs mensongers superfétatoires pour "faire vendre"..c'est déjà un bon point!!

Mon opinion

Vinent Lalu écrit bien! L'ouvrage est fait d'une suite de nouvelles jamais très longues, à la façon de "Les nouvelles du moulin" de JL Pelletier ou "Pêcher la truite vagabonde" de F Dupuy, mais les anecdotes rapportées ici , relatives à la pêche des salmonidés mais également du brochet et des poissons de mer sont d'un style particulier très original,.... les poissons parlent (les vaches aussi) et bien que je n'apprécie guère l'anthropomorphisme, dans ce cas particulier l'auteur a eu plutôt la "plume heureuse"..., et les pêcheurs croqués par les poissons sont très bien vus..! Les rapports entre le pêcheur et le poisson imaginés sous forme d'une complicité bienveillante réciproque et non comme un combat à mort sont également très plaisants et cet idéalisme de bon aloi dédramatise l'acte de prédation pour ne laisser percevoir de la pêche que son côté bucolique reposant......et c'est très bien ainsi , au diable le réalisme trivial!! Quelques commentaires très bien vus sur l'alevinage imbécile, le No kill imbécile des intégristes....font l'objet de quelques courts récits sans appel ....et un délicieux "morceau de bravoure" à propos du "gobage" m'a ravi..

Frais, original, dans un style bon enfant, simple et sans prétention, superbement illustré par de nombreuses aquarelles de Marie Annick Dutreil......l'ensemble est reposant, réjouissant....et on le lit facilement et avec le sourire..!

J'aime!!


Extrait:
                                                                                         Le baiser de l'ombre

Le cinquième jour, Dieu mit les poissons dans l'eau. Le sixième jour, les poissons se demandèrent si Dieu savait qu'ils étaient bien arrivés. Alors l'un d'entre eux se dévoua pour aller déposer un baiser sous la surface.

Ainsi fut le premier gobage. Pour donner signe de vie tout en disant merci. Ceux qui ne savent rien de la pêche à la mouche n'imaginent pas ce que peut représenter un gobage pour un pêcheur. La rivière est devant vous, toute plate ou frissonnante, elle s'étend langoureusement ou court joyeuse parmi les rochers. Bref, elle vit sa vie sans se soucier de vous qui l'observez, un peu intimidé. Et voilà que le gobage apparaît, superbe, imprévisible. La minuscule déflagration silencieuse propage son onde en un seul cercle qui descend comme un cerceau au fil de l'eau. L'œil part avec le gobage. Il oublie -l'œil néophyte surtout - où le gobage a commencé. Le plaisir n'est-il pas de le suivre jusqu'au bout, jusqu'à ce qu'il disparaisse en laissant la promesse de son recommencement. Car bien sûr, ce gobage n'était là que pour vous, rien que pour vous, même si vous êtes trente à l'avoir vu. Un gobage sur une rivière, c'est une femme qui vous lance une œillade, un visage qui s'illumine, le signe que quelqu'un veut vous parler.
Pendant des siècles, un peu partout dans le monde où des gobages apparaissaient à la surface des cours d'eau, les croyances populaires en ont donné toutes sortes d'explications. En Suède, on les prenait pour des éclosions d'elfes prenant leur envol à la tombée de la nuit, en Écosse on disait que la rivière exhalait le souffle des enfants perdus, en Croatie c'était les bébés poissons qui éructaient une fois leur tétée achevée.
Jusqu'à ce qu'un matin de printemps, au début du xve siècle, un gentilhomme qui taquinait les farios à la sauterelle sur un radier de la Tweed se fasse interpeller par un poisson qui venait de gober et auquel il n'avait d'abord prêté aucun intérêt: « C'est moi Thymallus thymallus, l'ombre commun, pas si commun que ça, je viens de prendre une mouche, proposez m'en une aussi belle et je la goberai aussi.»
.Le gentilhomme se mit au travail et créa pour les seigneurs de la cour d'Orange le premier traité , de pêche à la ligne. C'est là qu'il décrivait, dans son livre troisième, douze imitations d'insectes qu'il baptisa «mouches ». Et la suite, toute la suite et toute la pêche à la mouche est contenue dans l'invitation de cet ombre et dans la réponse apportée par le noble pêcheur.
Et depuis que la pêche à la mouche existe, c'est à dire depuis qu'un peu partout dans le monde les amoureux des rivières ont renoncé aux fables et légendes qui portaient le mystère de ces signaux liquides, cette précieuse indication de la présence d'un poisson déclenche chez les pêcheurs une délicieuse fébrilité qui précède l'instant de la capture.

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NB: il y a plusieurs infos qui se télescopent, pas mal d'anachronismes et beaucoup d'imagination dans ce texte..........

"au début du xve siècle, un gentilhomme qui taquinait les farios à la sauterelle sur un radier de la Tweed" ............., c'est à dire dans les années 1450...époque de Dame Julyana Berners et de son "The treatyse of fishing with an angle" (1450) premier bouquin sur la pêche à la mouche qui parle des 12 mouches ........

"Le gentilhomme se mit au travail et créa pour les seigneurs de la cour d'Orange le premier traité de pêche à la ligne".......Or guillaume d'Orange c'est au XVIIème siècle, soit 1650 = époque de Izaac Walton qui a repris à l'identique les 12 mouches dans son "livre troisième" de " The complete Angler" (1650),....... mais ne pêchait pas à la mouche...!

Donc V Lalu mélange bien allègrement la XVème et le XVIIème siècle.....et le "gentilhomme qui pêchait au XVème"(Dame Juliana Berners???)....n'a pu écrire, comme aurait pu le faire Izaac Walton, de bouquin pour la cour de Guillaume d'Orange......né deux siècles plus tard....
............................................................................................. ce qui n'enlève rien à la qualité littéraire de son ouvrage .

 

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                                                  Vincent Lalu:Contes et légendes du moulin du Plain
                                                                                     ( 2014-Quai des plumes-La vie du rail)

 

Qui d'entre nous n'a pas entendu parler de Goumois, de Pierre Choulet , du moulin du Plain et du pré Bourassin??

Même ceux qui n'ont pas eu la chance d'y aller pêcher ne peuvent ignorer ce haut lieu célèbre , superbe coin de rêve sur le Doubs Franco Suisse, dont la réputation a gagné l'Europe entière et a séduit nombre de pêcheurs célèbres, et bien d'autres, venus traquer les truites et les ombres nombreux mais devenus les poissons les plus difficiles d'Europe d'après la légende....!

   

Le Livre

Parfaitement résumé dans le quatrième de couverture ci dessus, il narre sous l'agréable plume de Vincent Lalu , et illustré des photographies de Philippe Boisson qui y fut guide 4 années durant, toute l'histoire de ce haut lieu et de la famille qui l'a créé en 1964 puis géré jusqu'en 2014 avant cession, pour le plus grand bonheur de ses multiples "patiquants" ...certains aussi célèbres que Mémé Devaux, Léonce De Boisset, Henry Bresson, Piam, Jean Paul Pequegnot, Charles Gaidy, le docteur Barbellion .......et tellement d'autres modestement plus anonymes...!!

Mon Opinion

Incontournable pour qui y a pêché , séjourné , partagé les repas de l'auberge, vécu ou entendu raconter tant et tant d'anecdotes car il leur rappellera avec un petit pincement au coeur des souvenirs inoubliables....et incontournable également pour ceux qui n'ont pas eu la même chance mais qui seront plongés avec délices dans ce "milieu" de rêve que tout pêcheur aura plaisir à découvrir, après en avoit tant entendu parler..!!

Hélas depuis la cession la publicité ne parle plus que d'un hotel restaurant de qualité très variable selon les avis, et quasiment plus du tout de pêche....raison de plus pour cultiver le souvenir à travers cet ouvrage

A ne pas rater !!

 

 

 

                                                                                              

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